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17 - Communiquer le sacré

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Oren Golan

Reconstruire les frontières religieuses en ligne : l’émergence d’un internet juif confessionnel

Le Temps des médias n°17, Automne 2011.

Internet apparaît comme un défi pour les groupes fondamentalistes, à la fois intéressés par ses capacités prosélytes et mobilisatrices et inquiets parce qu’il casse les frontières et permet l’accès à tout contenu. La diffusion d’internet interroge tout particulièrement le monde confessionnel juif : les savoirs, jusque là réservés à des espaces protégés, dans les synagogues ou dans des séminaires fermés, sont désormais disponibles pour tous et discutés sur les forums en ligne, dans Facebook, sur des blogs… L’article se propose donc d’étudier comment internet influence les frontières du monde du judaïsme. englishflag

Par Oren GOLAN  [1]

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On a souvent fait l’éloge d’Internet en le présentant comme une technologie dynamique qui offre des possibilités techniques et permet l’échange d’informations, tout en transcendant les frontières sociales et géographiques. Néanmoins, ces caractères positifs sont considérés comme une menace par certains, particulièrement par les groupes fondamentalistes, et par ceux qui vivent dans des communautés enclavées qui aspirent au maintien d’une séparation physique et symbolique stricte. D’une part, de nombreux dirigeants et militants religieux apprécient l’envergure qu’Internet donne à la propagation des idées, à l’expansion de la foi, au renforcement des liens entre les fidèles et à la promotion de leur vision du monde ; d’autre part, la liberté avec laquelle les internautes entrent sur ou sortent de sites ayant des orientations tout à fait différentes constitue une menace pour le maintien des frontières sociales d’une société enclavée, et crée une tension qui a mené de nombreux dirigeants religieux à s’opposer à l’usage d’Internet.

Dans le monde juif, ces dilemmes sont abordés différemment selon les dénominations religieuses. Ces dix dernières années, ils se sont posés à de nombreux entrepreneurs et opérateurs des nouveaux média qui ont développé un réseau internet juif qui offre des informations dans le domaine de la pratique religieuse, de l’éducation, des textes saints, de la liturgie, des fêtes, tout en aménageant des espaces d’expression publique et d’échange culturel qui peuvent avoir une influence non seulement sur les individus religieux, mais sur les communautés, sur les limites qui les séparent, et sur les relations entre juifs.

Le bouleversement que la popularisation d’Internet a entraîné dans le monde juif est indéniable. Les informations dont la transmission était restreinte, autrefois, à des espaces protégés, notamment, aux échanges informels dans les académies rabbiniques (Yechivot) et les synagogues, ont trouvé de nouvelles formes et des domaines d’expression sur les forums virtuels et les vidéos en ligne, dans les annonces sur Facebook, les blogs, tweets , etc…, ce qui a ouvert, avec le temps, des possibilités de dialogue et de changement.

Face à l’émergence de ces sites web religieux actifs, le présent article examine l’influence qu’Internet exerce sur les limites qui séparent les différentes dénominations religieuses à l’intérieur du monde juif, ainsi que sur la manière dont il les modifie. Nous voudrions montrer que l’émergence d’une catégorie de webmaîtres comprenant des jeunes entrepreneurs, concepteurs et administrateurs du contenu des sites a une influence significative sur le plan religieux. Ces webmaîtres assurent le contrôle des informations et procurent des connaissances relatives à la pratique religieuse et au système de croyances ; ils favorisent les interactions sociales à l’intérieur des communautés religieuses à travers le monde. Notre but est également de décrire le travail accompli par cette nouvelle catégorie de webmaîtres en vue de concevoir des espaces qui correspondent aux valeurs de leur communauté respective. Mais, en agissant ainsi, ils instaurent des classifications sociales qui, tout en étant conformes à la logique du monde de l’internet et de ses usagers, peuvent ou non coïncider avec les distinctions qui existent, historiquement, entre les groupes hassidiques et les dénominations religieuses modernes dans le monde juif. Comment ces webmaîtres peuvent-ils s’entendre avec la « vieille élite » ?

Méthodologie

Dans le cadre de nos recherches, nous avons utilisé à la fois les avantages des méthodes traditionnelles des sciences sociales (par exemple, les entretiens, l’observation participante) et les outils fournis par les nouvelles formes d’ethnographie cybernétique, les mutimédia, et la médiation d’instruments (Danet, 2001 ; Kendall, 2002). Deux méthodes ont été mises en Å“uvre pour l’obtention des informations : des entretiens en profondeur, d’une part, des analyses observationnelles et ethnographiques, d’autre part. Les entretiens en profondeur ont été menés avec 24 webmaîtres de trois sites web, Bhol.co.il, Chabad.org and myjewishlearning.com, de l’été 2009 à l’été 2010, en Israël et aux Etats-Unis. Il importe de noter que ces entretiens font partie d’un projet plus large dans le cadre duquel nous avons réalisé des interviews d’opérateurs et d’entrepreneurs d’autres sites qui n’ont pas été incluses dans le présent article [2].

Les entretiens ont été faits avec des personnes appartenant à trois cercles différents. Les premiers et les plus importants d’entre eux ont eu lieu lors de rencontres directes avec les webmaîtres (dirigeants de sites web, responsables des relations publiques, concepteurs de sites, administrateurs de contenu), dans leur bureau. Durant l’année 2009-2010, j’ai visité les locaux de sites web juifs à New York et j’ai rencontré leur personnel. Mes visites fréquentes à Brooklyn m’ont permis d’observer les sites web qui fonctionnent « dans les coulisses de la scène (virtuelle) » et de connaître les membres de diverses communautés juives. Un second cercle de discussions et d’interviews a été mené avec des usagers passionnés de ces sites web, à l’intérieur et au-delà de leur communauté, en Israël et à travers les Etats-Unis (notamment, à Boston, Chicago et New York). Ces conversations informelles avec des étudiants en Yeshiva, des élèves rabbins, des webmaîtres d’autres sites et d’autres usagers passionnés de l’internet m’ont donné des compléments d’information. Bien qu’elles n’aient pas eu un caractère systématique, elles ont confirmé ma perception de la reconnaissance dont ces sites web bénéficient dans le paysage de l’internet juif. Un troisième cercle d’interviewés comprend des webmaîtres qui assurent des tâches ayant un rapport indirect avec ces sites web, comme le filtrage de contenu internet, ainsi que des entrepreneurs (parfois laïques). La seconde méthode de recherche a consisté dans l’observation et l’analyse de ces sites web. Une attention particulière a été portée aux services qu’ils offrent, aux convictions qu’ils expriment, à leurs pratiques en ligne, ainsi qu’à leur usage du langage et leur culture visuelle.

Les sites ont été sélectionnés selon deux critères principaux : la fréquentation et les recommandations. Le taux de fréquentation a été un élément tout à fait déterminant dans le cas de Bhol.co.il, Chabad.org and myjewishlearning.com ; d’autres sites dont il est question ici (comme frumster.com et vosizneias.com) m’ont été recommandés par des informateurs-clé et suscitent une fréquentation impressionnante dans le monde juif. Il faut noter que l’enquête observationnelle en ligne se fait de manière discrète, qu’elle s’insère dans le cadre naturel des activités numériques des internautes, et qu’elle permet de comprendre en profondeur les signes et métaphores propres au riche univers multi-média de la culture Internet (y compris les sons, les couleurs et le style).

Enjeux de la recherche

L’instauration d’une relation de confiance avec les personnes interviewées pose des problèmes qui ont trait à la fois à l’analyse d’univers religieux, sociaux et symboliques en ligne, et aux difficultés propres à l’étude d’Internet. Tout d’abord, l’étude des croyances religieuses présente une série de dilemmes qui renvoie à des problèmes ethnographiques classiques tels que ceux qui portent sur les relations « insider/outsider », ainsi que sur le rapport entre le chercheur et son objet (Hamersley, 1992). Ces questions sont particulièrement difficiles à traiter dans le milieu ultra-orthodoxe (Stadler, 2009 ; Davidman, 1991 ; Elor, 1994 ; Heilman, 1983). Par conséquent, la présente étude pose le problème d’un éventuel désaccord d’ordre conceptuel entre moi, chercheur laïque, et la vision du monde et la connaissance culturelle propres aux personnes qui font l’objet de ma recherche. Cette divergence a mise à l’épreuve, notamment, ma capacité d’interpréter les créations et productions (par exemple, les annonces, dialogues ou images) mises en ligne par les membres d’une communauté. Afin de réduire ce décalage, je me suis servi des interviews ainsi que des informateurs-clé pour interpréter les événements qui se produisent en ligne. Cela s’est fait au moyen de rencontres directes avec les personnes interviewées, ou par l’utilisation occasionnelle de la messagerie instantanée et de la correspondance par courriel pour communiquer de manière continue avec les informateurs et les interroger au sujet des événements en ligne auxquels j’avais affaire.

Le second enjeu concerne l’étude des univers sociaux sur Internet. L’examen des limites qui existent entre les différentes communautés peut constituer un dilemme pour les chercheurs dans la mesure où l’évolution constante d’Internet, conjuguée avec les obstacles mentionnés dans cette étude, peut limiter leur capacité à valider leurs données. Cela ne signifie pas que l’interaction traditionnelle ne peut pas être à l’origine de lacunes dues à des questions de confiance. Margaret Mead, par exemple, a pu être induite en erreur par ses informateurs au cours des rencontres qu’elle a eues avec eux (Freeman, 1999). Néanmoins, la limitation de l’espace cybernétique aggrave les lacunes dont les spécialistes de sciences sociales sont familiers. Dans la présente étude, nous avons tenté de surmonter cet obstacle potentiel en établissant une relation triangulaire entre les informations obtenues lors des interviews, les interprétations fournies par les informateurs-clé et les observations des activités en ligne. De cette manière, les nombreuses informations obtenues lors des conversations directes nous ont permis de réduire les problèmes liés au manque de signaux sociaux (expressions du visage, gestes), tout en minimisant le risque de déformer les informations obtenues en ligne. Les activités et le monde symbolique des internautes s’expriment également sur le plan visuel. Notre analyse se fonde donc sur une analyse sémiotique de l’interface culturelle et de la représentation visuelle. Les travaux pionniers de Danet sur la pratique de l’art populaire au moyen de discussions relayées par internet [IRC] (2001) constituent un cas exemplaire d’observations ethnographiques et interprétatives de groupes virtuels dont les activités consistent dans des échanges artistiques en ligne.

Dans la présente étude, nous nous fondons sur les travaux de Danet, mais nous cherchons aussi à élargir la perspective observationnelle à l’aide des entretiens avec des informateurs concernant leurs activités, ainsi que de leurs interprétations du comportement des diverses communautés juives.

L’engagement juif confessionnel sur Internet

Le fait que l’évolution historique du judaïsme a créé de nombreuses distinctions et subdivisions qui se sont traduites par des pratiques et des types d’autorité spécifiques est bien documenté (pour plus de détails, voir Friedman, 1991 ; Don-Yehiya 2003 ; Sheleg, 2000). Par conséquent, le judaïsme religieux d’aujourd’hui se distingue, généralement, par l’existence de trois groupes avec leurs subdivisions : ultra-orthodoxes, orthodoxes et modernes. Ces trois groupes diffèrent les uns des autres par leur vision du monde, leur origine ethnique ainsi que par leur interprétation, leur compréhension et leur application de la Torah et de la Halakha (Loi juive). Très développé en Amérique du nord, le groupe des juifs modernes comprend les réformés, les conservateurs, les reconstructionistes et d’autres. Les orthodoxes se divisent en deux catégories bien distinctes, les ultra-orthodoxes (ou Haredim) et les orthodoxes. Le milieu ultra-orthodoxe comprend les Mitnagdim (connus aussi sous le nom de Litvaks ou Lituaniens) et le mouvement hassidique qui a engendré plusieurs dynasties d’obédiences différentes appelées « cours », chacune d’entre elles étant dirigée par son « rabbi » et ayant ses propres coutumes (voir document 1).

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Document 1 : Divisions confessionnelles dans le monde juif

Historiquement, chaque sous-groupe a élaboré d’autres distinctions, en érigeant des limites bien définies et en manifestant des rivalités et de vives dissensions. Ces divergences se manifestent aussi dans leur conception de la modernité, de la technologie et d’Internet. Ici, nous nous intéressons particulièrement aux catégories sociales qui se sont développées sur Internet en examinant trois sites web populaires qui s’adressent aux différentes communautés religieuses. Nous soutenons l’idée que ces sites web réorganisent, accentuent ou bien effacent complètement les limites entre ces communautés. Ils remodèlent ainsi les frontières à l’intérieur du monde juif en fonction d’une logique fondée davantage sur Internet que sur l’ordre qui existe, socialement et historiquement, hors ligne, et ils favorisent la création de nouveaux espaces d’action sociale et d’interaction qui pourront, en fin de compte, influer sur la forme que le judaïsme prendra dans le futur. Pour plus de clarté, nous allons décrire l’émergence de l’internet juif, en mettant l’accent sur les sites web que nous avons observés.

1) L’émergence de l’Internet juif orthodoxe

A l’instar d’autres groupes fondamentalistes à travers le monde, le fondamentalisme juif utilise Internet. Comme nous l’avons déjà mentionné, le monde orthodoxe peut être appréhendé à travers la division entre modernes et ultra-orthodoxes. L’émergence de sites web orthodoxes modernes destinés aux sionistes religieux en Israël et leur équivalent aux Etats-Unis remonte à la fin des années 1990. Ces sites web sont devenus des espaces enthousiastes de discussions collectives, de services tels que « Posez la question au rabbin » et autres (voir le cas de Kipa.co.il dans Campbell et Golan, à paraître). Ces sites web, notamment dans la webosphère israélienne, mettent en avant le groupe sioniste religieux, la position de faucon qu’il a adopté face aux questions relatives au conflit israélo-arabe ainsi que des figures centrales de rabbins (comme le rabbin Sherlo qui a une présence prédominante en ligne). Ils fournissent des références pertinentes concernant d’autres institutions ou figures clé dans les sous-groupes juifs, comme cela ressort sur des sites tels que kipa.co.il, datili.co.il et inn.co.il. Nous ne nous étendons pas sur leur cas dans cet article. Ceci dit, leur statut confessionnel est suffisamment visible à travers leur nom, leur logo et leurs références culturelles.

De même, le mouvement hassidique Habad a aussi des sites web qui reflètent sa philosophie et sa sensibilité religieuse. Par l’accent qu’il met sur la diffusion de ses convictions et sur le développement d’une identité haredit spécifique, Habad constitue un cas unique dans le monde ultra-orthodoxe. Il use de divers réseaux internet communautaires (crownheights.info, col.co.il – ceci est développé dans Golan, à paraître), mais son site principal est Chabad.org. Fier de ses origines précoces dans les années 1980 (Zaleski, 1997), ce site web est sans doute le plus grand et le plus prolifique dans le monde cybernétique juif. Au début de l’année 2010, il pouvait se prévaloir de 350 000 abonnés et, suivant compete.com, la fréquentation de chabad.org en septembre 2010 avait atteint 502 824 usagers. Plus de la moitié d’entre eux sont des habitués et chabad.org est en tête de la liste des sites d’éducation juive avec une moyenne d’usage de 4.7 minutes par internaute (suivant the Jewish Internet Metric Study de 2009). Cela fait de chabad.org le principal site juif en termes de popularité et de couverture médiatique.

Aujourd’hui, chabad.org a élargi de manière significative ses moyens et ses services d’accès à des contenus juifs, ainsi qu’à des textes Habad (en premier lieu, le Tanya [3]). Ce site web propose des nouvelles (relatives, souvent, à des sujets à thème juif aux Etats-Unis et en Israël), des blogs, des études quotidiennes de la Torah et d’autres textes bien connus, ainsi que des interprétations de la Paracha – la section hebdomadaire de la Torah – ayant un caractère actuel. Il offre aussi des diffusions en direct de « la télévision juive », des animations de caractère éducatif, d’autres formes de services ayant un caractère éducatif ou informatif, en recourant aux procédés informatiques les plus modernes. Il fournit aussi des liens vers les sites web homologues dans plusieurs autres langues (le français inclus).

Lors d’une interview réalisée en février 2010, une figure centrale de chabad.org nous a déclaré que « la technologie est mise ici au service d’un but positif – Habad essaie d’utiliser toutes choses de manière positive. » Cela correspond aux principes philosophiques de Habad concernant l’élargissement de la portée de l’engagement religieux (Ravitsky, 1994) ainsi qu’à la vision d’Internet comme un moyen de promouvoir la présence du divin dans le monde, ceci, à l’opposé d’autres conceptions ultra-orthodoxes suivant lesquelles Internet est, au mieux, un gagne-pain, et, au pire, une cause de mauvais penchants et de faute (Campbell and Golan, 2011 ; Horowitz, 2001). Soutenu par ses dirigeants, le point de vue de Habad les a menés à s’investir dans cette entreprise avec passion et à lui consacrer des moyens considérables. En fait, Chabad.org est en compétition avec des sites web non orthodoxes qui partagent sa conviction concernant la diffusion du savoir et des significations propres au judaïsme par delà les limites de la communauté.

Néanmoins, nous avons noté que le cas de l’activisme habad est unique dans la webosphère ultra-orthodoxe. En évoluant, le monde harédi développe des sites web qui intègrent ses diverses dénominations (Habad inclus), en les différenciant d’autres, juives ou laïques. En fait, l’activité du monde ultra-orthodoxe s’est caractérisée, depuis la fin des années 1990 par une immense popularisation de l’usage d’Internet (surtout depuis l’introduction des navigateurs graphiques).

Malgré les objections virulentes formulées par ses dirigeants, l’usage d’Internet et la fascination qu’il suscite ont persisté. En présence de ce phénomène, de nombreuses sociétés internet harédi se sont créées. Cela inclut une série d’initiatives qui sont apparues entre 2000 et 2010, telles que la création de sites de filtrage et de contrôle du comportement des sociétés internet destinés à des femmes ultra-orthodoxes à Jérusalem (JNet, Rimon, guardyoureyes) et de sites harédi tels que bhol.co.il, kikarhashabat.co.il, haredim.co.il (qui n’est plus actif), koogle.co.il, col.org.il, et aux Etats-Unis, theyeshivaworld.com, vosizneias.com, Chabad.org, crownheights.info

Ces sites web offrent des informations actuelles sur les problèmes qui se posent dans le monde juif, tout en mettant fortement l’accent sur les événements qui se produisent dans la société ultra-orthodoxe. Ils créent ainsi un « regard harédi », ou une perspective qui vise à promouvoir une vision pieuse de ce que le point de vue harédi est ou doit être, d’une manière qui renforce les frontières du monde ultra-orthodoxe, tout en brouillant les différences de points de vue entre les divers courants qui le constituent. L’émergence de ce « regard harédi » est visible dans l’évolution de bhol.co.il, un site ultra-orthodoxe pionnier et extrêmement populaire.

A la fin des années 1990, bhol.co.il était un forum de discussion qui existait en Israël sous le nom de « Behadrei hadarim ». Il avait son origine dans un site web consacré aux groupes de discussion de toute sorte (hydepark.co.il). A la suite d’une initiative commerciale, ce groupe de discussion est devenu, en 2002, un portail indépendant qui fournit des nouvelles et d’autres services, en plus de ses célèbres forums. Son nom signifie « derrière les portes fermées » ou « dans les chambres des harédim », en référence à un proverbe hébreu qui désigne un acte fait secrètement, loin du regard du public. Ce nom désigne un forum de discussion qui, tout en étant est caché au public, éveille de l’intérêt pour ses principes. Cet intérêt vient de ses discussions concernant la communauté enclavée ultra-orthodoxe Les webmaîtres de Bohl que nous avons interviewés ont décrit un processus d’autoévaluation par lequel ils cherchent à introduire sur Internet les principes directeurs et les convictions fondamentales de leur communauté hors ligne. Par exemple, certains ont parlé de la manière dont ils évitent de placer des photographies de femmes sur le site web, ceci afin de (re) créer un environnement sans danger pour les internautes harédi, dépouillé des tentations et des maux propres, d’ordinaire, au réseau internet (voir Campbell et Golan, 2011)

Bohl.co.il est, sans doute, le site web le plus actif dans le milieu israélien ultra-orthodoxe. En juillet 2008, il comptait 250 000 usagers par mois. Ses forums sont fermés : tout le monde peut lire les annonces affichées sur le forum principal, mais le droit de mettre des annonces et d’accéder aux salles de discussion propres à certains de ses groupes est réservé exclusivement à leurs membres. La qualité de membre est filtrée au moyen d’une vaste procédure de traitement des demandes d’adhésion contrôlée par les modérateurs. Cette procédure peut inclure des questions spécifiques à la communauté, telles que celles qui portent sur les noms des rabbins d’un groupe particulier ou sur des problèmes de Halakha. Cette procédure stricte aide le webmaître à déterminer l’affiliation confessionnelle de l’internaute.

Au lieu d’une identité visible (comme sur Facebook, par exemple) ou d’une présence complètement anonyme, les webmaîtres de Bhol cherchent à obtenir un profil détaillé de leurs membres qui inclut leur appartenance démographique (sexe, groupe d’âge) ou religieuse. Suivant les webmaîtres, cette procédure permet de contrôler et de permettre une présence équilibrée, en ligne, des différentes dénominations, d’assurer un certain pluralisme sur le site web, au moins dans les espaces qui ne sont pas réservés à l’un des groupes qui constituent le monde complexe de l’ultra-orthodoxie. Elle contribue aussi à créer des terrains d’entente et à faire régner un certain « fair-play » dans l’interaction sociale et l’expression religieuse sur un site web dont l’usage est réservé au monde harédi.

Ce but est poursuivi à l’aide d’autres moyens. La stratégie la plus importante consiste à faire de fréquentes enquêtes et à organiser des discussions concernant ce qui apparaît comme un obstacle externe (laïc, étatique ou autre) au mode de vie harédi. Par exemple, sur une annonce qui propose de recevoir les services de Bhol sur un téléphone mobile, l’histoire qui a été choisie pour figurer sur ce téléphone est la suivante : « Scandale : la police a battu sans raison des manifestants à Kikar Chabat ». Dans cette annonce, l’événement survient au cÅ“ur du quartier ultra-orthodoxe de Méa Shearim à Jérusalem. L’image montre un policier de dos, présenté sous une apparence dégradante, et deux ultra-orthodoxes vêtus de manière différente, ce qui signifie que bien qu’étant d’affiliations différentes, ils se dressent ensemble face à l’injustice.

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Document 2 : annonce pour les services de téléphones mobiles de Bhol (traductions anglaises d’O.G.), 9 décembre 2010.

En outre, en observant la liste des forums actifs proposés par Bohl, on discerne une dynamique confessionnelle qui se manifeste à travers leur système de classification. Autrefois, ces forums avaient pour vocation de refléter les divisions religieuses qui existent dans le monde ultra-orthodoxe (voir document 1). Néanmoins, avec les changements survenus dans les demandes du public et la fréquentation sur internet, de nouvelles catégories sont apparues. Le troisième document (ci-dessous) montre des forums actifs en décembre 2010. Ces groupes de discussion se concentrent sur des besoins liés à la communauté (commerce, soutien, information) ainsi que sur les différences communautaires (Bhol Habad, Bhol Spharadim…). Les forums permettent à des sous-groupes et à des sous-communautés de se rassembler dans des espaces distincts. Les webmaîtres décrivent un processus qui consiste à maintenir l’équilibre entre les différentes représentations exprimées sur le site web (le forum de « behaderai haredim »), sans laisser aucun des sous-groupes dominer les débats en cours. On constate donc que Bhol.co.il prête attention aux différences d’affiliation, tout en rassemblant les sous-groupes au sein du site web haredi.

Ces sites web ultra-orthodoxes, aux Etats-Unis comme en Israël, visent le développement d’un front commun harédi qui aide à renforcer les ressources du site et ce faisant, brouille des différences qui ont eu une importance, historiquement, dans le domaine de la liturgie et de l’organisation communautaire, ainsi que dans d’autres formes de média (comme les livres ou les journaux).

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Document 3 : liste des forums actifs sur Bhol.co.il (6 décembre 2010, traduit en anglais par O.G.)

Il en est de même sur les sites web américains où les ultra-orthodoxes renforcent leur position pan-communautaire. Par exemple, le 6 décembre 2010, le site vosizneias.com a signalé le cas d’une femme décédée à Manhattan dont le corps a été incinéré, à la suite d’une décision de justice, ceci, en dépit de la déclaration de la famille suivant laquelle elle avait modifié son testament initial et qu’ayant adhéré aux traditions orthodoxes à la fin de sa vie, elle devait donc être enterrée [4]. En réaction, un internaute nommé « Yankelde » a écrit ce qui suit :
Il [le petit-neveu de la défunte] peut faire appel [de la décision de justice], mais je ne comprends pas pourquoi il se bat. Qu’importe ce qu’elle voulait, qu’elle pourrisse en enfer.

Voici la réponse que lui a faite un internaute anonyme :
L’incinération est contraire aux lois de la Torah. Un cadavre doit être traité avec respect et doit être enterré dignement dans la terre.

Voici ce qu’a ajouté l’auteur d’un commentaire :
Même si une Juive laïque (Tinok shenishba) ne sait pas de son vivant que l’incinération est interdite, elle réalisera certainement, une fois morte et dans le Monde de la Vérité, qu’elle ne veut pas que son corps soit incinéré. C’est pourquoi son grand-neveu a fait un bonne action (hessed). L’article lui-même et les réactions que l’on a citées minimisent un point de clivage entre les ultra-orthodoxes et les laïcs, d’une part, et entre les ultra-orthodoxes et l’Etat, d’autre part. Dans ce cas, l’Etat est intervenu en ordonnant de procéder à un enterrement non-juif, alors que tous les auteurs des commentaires discutent des convictions, laïques ou religieuses, de la femme décédée. Le site web lui-même, Vosizneias.com – « Quoi de neuf ? » [5] en yiddish, proclame sur son logo qu’il est la voix de la communauté juive orthodoxe (voir document 4)

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Document 4 : Logo du site web Vos iz Neias

De cette manière, le site web encourage un consensus, dans les limites de son appel en faveur d’une perspective juive ultra-orthodoxe, mais sans mettre en évidence aucune scission. Pour conclure, on peut dire qu’alors que certains groupes orthodoxes veulent mettre en avant leur affiliation particulière (par exemple, les orthodoxes modernes ou encore, Habad, par son activisme sur internet), les groupes ultra-orthodoxes ont tendance à se rassembler dans des lieux virtuels où ils défendent certaines valeurs communes (par exemple, la pudeur) tout en menant des discussions. Bien que ce phénomène de rassemblement puisse s’expliquer par le besoin de réunir les ressources nécessaires à la création de sites web vivants et attirants ayant une activité et une fréquentation intenses, il aboutit à la création de sites web harédi qui brouillent certaines scissions confessionnelles et qui formulent des problèmes propres à tous les membres du monde harédi. De cette manière, le groupe interne (« nous ») est ultra-orthodoxe et le groupe externe (« les autres ») inclut tout ce qui a trait à l’Etat, à la laïcité, aux non juifs et aux autres dénominations (réformés, conservateurs, etc…)

2) L’internet juif moderne

L’origine des mouvements juifs modernes remonte au XIXe siècle et aux Lumières juives (Haskala). Ces mouvements sont profondément ancrés dans le paysage américain et européen, et, dans une moindre mesure, en Israël (Sheleg, 2000). Comme cela a été décrit de manière schématique dans le premier document ci-dessus, ils ont subi, eux aussi, de nombreuses divisions et sous-classifications. Néanmoins, nous soutenons que, sur Internet, ces différences ont été brouillées, dans une large mesure, sur les sites web les plus importants (comme les portails-web), ce qui laisse à quelques sites web ou forums mineurs la tâche de défendre les convictions propres aux sous-groupes juifs.

De nombreux sites web et blogs juifs modernes évitent toute orientation religieuse. Ces sites sont souvent destinés à des juifs orthodoxes modernes ou non orthodoxes, ou à des enfants nés de mariages mixtes qui ont des affinités avec la communauté juive. Parmi eux, on trouve, par exemple, Heeb, un site web très populaire qui fonctionne comme un magazine life-style indépendant publiée à New York. Voici la manière dont sa vocation est exprimée en ligne : « Un magazine non-commercial pour ceux qui sont branchés. Il couvre à la fois les arts, la culture et la politique d’une voix qui lui est propre. Heeb est devenu un pôle d’attraction multi-média pour les jeunes, les citadins et les gens influents. » [6]

Des sites web tels que jewcy.com aussi bien que des services de rencontre (Jdate.com, Frumster), des sites matrimoniaux commerciaux (jewishweddingnetwork.com) et d’autres visent une communauté imaginaire (pour emprunter un terme propre à Anderson) de juifs modernes et citadins. Ces sites web qui forment la conscience juive de toute une génération méritent de faire l’objet d’une analyse distincte. Il faut noter qu’ils ont été souvent évoqués par les gens interviewés ainsi que par les élèves rabbins et par les internautes juifs passionnés que nous avons rencontrés à New York, Boston et Chicago.

Les sites de rencontre dressent une description des individus qui prend en considération leur appartenance religieuse. Par exemple, sur le site de rencontre Frumster, on fait une distinction nette entre les participants orthodoxes et non orthodoxes. Les internautes qui visitent ce site doivent décrire leur formation éducative, aussi bien religieuse que laïque, et caractériser leur affiliation (par exemple, réformée, conservatrice) par des types de comportement (par exemple, la fréquentation d’une synagogue, la pratique de la chacherout). Néanmoins, ils ont tendance à ajouter à l’intérieur du groupe des Juifs orthodoxes des catégories comme celles d’« orthodoxe moderne libéral », d’« Ã©tudiant de yeshiva en chapeau noir » etc …qui correspondent davantage à la typologie du monde juif actuellement en vigueur aux Etats-Unis, qu’aux classifications traditionnelles et historiques (voir ci-dessous document 5). Voici ce qu’ajoute un opérateur du site web Frumster.com :
Nous encourageons les gens à examiner de manière approfondie les Hashfafas (vision du judaïsme, type de pratique religieuse) et à se concentrer sur des critères objectifs permettant d’évaluer le degré de pratique, comme la fréquence de la prière ou la manière de s’habiller [7].

Dans ce cas, la logique relative au choix du partenaire (voir aussi Lehmann and Siebzehner, 2009) et à l’image que l’on donne de soi prévaut sur d’autres considérations et détermine la catégorisation en ligne.

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Document 5 : Classification des affiliations religieuses sur le site de rencontres Frumster.com (10 décembre 2010)

Cependant, sur les sites juifs modernes, l’aspect confessionnel est souvent mis au second plan. Cela s’explique, d’une part, par les ressemblances qui existent entre les convictions et les intérêts en vigueur dans le monde juif moderne, et, d’autre part – à notre avis – par des impératifs d’ordre commercial et par la volonté de maximiser la fréquentation en ligne. Voici ce que nous ont déclaré, à ce propos, des webmaîtres de myjewishlearning.com, une compagnie installée au centre de Manhattan et un site web populaire de caractère religieux et éducatif qui compte 197 235 usagers par mois (selon the Jewish Metric Study, 2009) : Les concepteurs de ce site web ont voulu qu’il soit accessible à des personnes appartenant à des milieux différents. Aussi bien à des néophytes qu’à des gens plus instruits. Un site qui n’ait pas seulement un caractère universitaire, mais qui soit aussi stimulant. Des changements sont survenus dans l’administration et la propriété de ce site depuis sa création, au début des années 2000. Néanmoins, sa vocation principale est restée identique.

Voici les propos que nous a tenus une webmaîtresse :
Nous sommes un site trans-confessionnel. Nous apportons des informations précises et nous expliquons les différences qui existent entre les diverses perspectives. Nous pensons en termes urbains. Pas seulement Manhattan. Nous avons aussi beaucoup de visiteurs qui vivent dans le sud [des Etats-Unis] et dans le Midwest. La tâche du webmaître est de faire en sorte que le site ait un rapport avec l’actualité : « quand nous parlons de théologie et de faute, nous le faisons en traçant un parallèle entre l’Amalek [biblique. OG] en son temps et le Darfour, aujourd’hui. » Mon approche est plutôt reconstructioniste, mais je continue à respecter les lois de la cacherout à la maison pour que tous mes invités puissent manger chez moi. (1er juin 2010)

Cette webmaîtresse déclare donc tenir compte des questions d’actualité, tout en respectant les systèmes de croyance propres à d’autres juifs, comme le reflète le travail qu’elle assure sur le site web. Au cours des interviews que j’ai eues avec eux, les webmaîtres de myjewishlearning, ont fait souvent des comparaisons avec d’autres sites tels que aish.com, chabad.org et wikipedia. Ces sites ont en commun la transmission d’informations sur la pensée et la pratique juives, tout en les considérant sous un angle différent.

Par exemple, nous avons interviewé « Hanna », une élève rabbin qui appartient au mouvement libéral de Brooklyn. Hanna a décrit le travail de préparation qu’elle assure pour commenter la Paracha chaque semaine. Désireuse de donner à son commentaire un caractère actuel – et pas seulement savant, elle consulte différents sites. Voici la conclusion à laquelle elle est parvenue :
Je continue à trouver des matériaux utiles sur chabad.org mais je reste prudente. Je ne peux accepter certaines de leurs idées, notamment, en ce qui concerne la relation de Dieu avec les hommes. (Interview du 2 mars 2010)

Les remarques de Hanna recoupent les réponses que nous avons reçues d’autres webmaîtres et formateurs juifs avec lesquels nous avons parlé. Ils ont apprécié le rôle important que joue chabad.org en leur fournissant des informations et des idées qui leur sont extrêmement utiles. Néanmoins, l’image propre à Habad, ainsi que la perspective qu’elle recouvre, suscitent de leur part de la prudence, et même, de la méfiance à l’égard du contenu que leur site véhicule. Ils utilisent donc ce type de site web en choisissant les contenus qui conviennent à leur point de vue confessionnel, et en laissant tomber les autres aspects. Le cas de Hanna est celui d’une personne qui choisit et recueille avec soin ce qui est en accord avec son point de vue religieux.

Au cours de conversations avec Hanna et d’autres élèves rabbins, certains sites web ont été cités – tel que urj.com (le site de l’union pour le judaïsme libéral). Il a aussi été question de l’usage de webinaires pour obtenir des compléments d’information. Néanmoins, les principaux sites visités par les internautes ne sont pas ceux qui ont une affiliation confessionnelle définie, mais ceux qui promeuvent une existence juive moderne dans un environnement pluraliste et actuel.

Le monde confessionnel de l’internet juif est donc plus ouvert et flexible chez les juifs modernes. Seul l’œil exercé d’un rabbin ou d’une personne pratiquante particulièrement avisée pourrait faire la différence entre les informations fournies par chabad.org et celles que l’on trouve sur myjewishlearning ou sur Wikipedia. De plus, le cas des rencontres en ligne a montré que les questions de mode de vie religieux et de pratique peuvent même prévaloir sur celles relatives à la classification suivant les affiliations. Cela dit, cette classification persiste et elle est respectée sur de nombreux sites. Les sites web consacrés aux nouvelles (comme jta.org), aux loisirs (comme Heeb), au mariage ou à l’éducation ont tendance à brouiller les différences et à offrir leurs services à un large public.

Conclusion

Déconcerté par le choix entre « les vaincre ou s’allier à eux » le monde religieux, surtout dans ses aspects fondamentalistes, est confronté à la fois aux risques liés aux informations obtenues librement en ligne avec les influences extérieures qu’elles exercent, et à la tentation de convaincre les fidèles d’éviter l’usage d’internet. Le réseau internet peut-il devenir un espace qui permette la promotion de la pratique religieuse, du soutien communautaire et de l’identité confessionnelle, ou bien conduit-il à la dépravation morale et à l’anomie sociale ?

En fait, Internet donne un « visage » et un front symbolique aux religions, sectes et affiliations confessionnelles. Cette étude a mis en évidence la convergence entre les exigences relatives à la fréquentation en ligne et les aspirations communautaires, confessionnelles et religieuses. Nous avons observé l’émergence d’une nouvelle classe d’entrepreneurs dans le monde juif et la manière dont ils ont modelé son « visage » confessionnel. Des catégories générales comme celle de « Haredim » remplacent tout en les intégrant les divisions confessionnelles d’origine historique, religieuse et ethnique (entre Litvak, Belz ou Shas), et donnent ainsi une nouvelle forme aux représentations et aux discours en vigueur à l’intérieur de ces mondes. Dans la dernière décennie (et, plus tôt, dans certains cas), de jeunes webmaîtres fascinés par la technologie et par ce nouveau moyen de communication ont cherché à lancer des sites web. Ces sites ont été une source de revenu pour leurs créateurs tout en étant conformes à leurs aspirations spirituelles (voir le cas de chabad.org, dans Golan, à paraître). Ils ont apporté aux internautes des informations d’ordre religieux, tout en favorisant des formes d’échange fraternels grâce à la diffusion des informations et aux contenus produits par les utilisateurs (par exemple, les forums, les réponses et réactions). A cet égard, une recherche plus approfondie sur la représentation des groupes religieux en ligne est souhaitable, de même qu’une enquête concernant leur présence sur les sites de réseaux sociaux tels que Facebook ou Twitter.

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[1] Je voudrais remercier Joëlle Hansel pour le soin avec lequel elle a traduit le texte anglais original de cet article ainsi que pour ses importants commentaires. Merci également à Cécile Méadel, membre du comité de rédaction de la revue Le Temps des médias, et à Brigitte Sion, qui ont rendu possible cette publication. J’exprime aussi ma gratitude au Center for Religion and Media à l’Université de New York et à ses directrices, Angela Zito et Faye Ginsburg, qui ont encouragé chaleureusement ce projet, ainsi qu’à Nurit Stadler et à Batia Siebzehner pour les remarques éclairantes qu’elles ont faites sur une première version de cet article.

[2] La majeure partie des recherches effectuées en Israël a été faite en collaboration avec le Dr Heidi Campbell, voir Campbell et Golan, 2011.

[3] Texte fondateur du mouvement Habad (note de la traductrice).

[4] Voir http://www.vosizneias.com/70525/201... (consulté le 6 décembre 2010).

[5] Le mot « Noiz » (nouvelles) est utilisé couramment sur les sites web haredi. Il s’agit d’un terme yiddish qui ne peut être récupéré en faveur du projet sioniste de renouveau de la langue hébraïque et qui appartient à une langue écrite et parlée par les juifs ultra-orthodoxes à travers le monde. Ce terme désigne les nouvelles relatives à la communauté, ainsi que tout ce qui peut intéresser le lecteur harédi. Au sujet du choix linguistique dans les textes juifs, voir Baumel, 2006, et Elor, 2006, p. 210-211

[6] Voir http://www.heebmagazine.com/info/ (consulté le 2 décembre 2010).

[7] Voir http://www.frumster.com/labelsdefin... (9 décembre 2010)

Citer cet article : https://histoiredesmedias.com/Reconstruire-les-frontieres.html

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