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Propagande et opinion publique

Ouvrage : Hélène Duccini, Faire voir, faire croire. L’opinion publique sous Louis XIII (Champ Vallon, 2003). Recension par Gilles Feyel.

Dans ce beau livre, Hélène Duccini présente l’aboutissement d’une longue recherche menée depuis plus de vingt-cinq années sur la « littérature pamphlétaire » et les images de propagande du premier xviie siècle français : plus de 3 300 « pamphlets » ont été soigneusement étudiés, plusieurs centaines de gravures, relevées parmi les milliers du Cabinet des estampes de la Bibliothèque nationale de France, ont été décryptées, afin d’en bien faire comprendre les significations symboliques. Il faut remercier l’éditeur d’avoir permis la reproduction de 150 de ces images à l’intérieur du texte, toujours lisibles : elles permettent à l’auteur d’argumenter de façon fort claire ses démonstrations.

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Ouvrage : Didier Georgakakis, La République contre la propagande. Aux origines perdues de la communication d’État en France (1917-1940) (Economica, 2004). Recension par Nicolas Hubé.

Il n’y a pas d’incompatibilité ontologique entre propagande et démocratie. En effet, le suffrage universel amène avec lui un ensemble de techniques de mobilisation de l’opinion, parmi lesquelles « la propagande représente un instrument déterminant » (p. 16). Dès lors, l’explication de l’échec d’une propagande d’État en France réside dans la configuration sociale particulière des années d’entre-deux-guerres. Loin d’être condamnée par avance, tout concourt à la réussite d’une institution de propagande. Concurrencés sur le plan intérieur par d’autres systèmes propagandistes – celles des communistes ou des ligues, plus généralement celle des partis politiques – les différents gouvernements cherchent, en effet, à (...) Lire la suite

Ouvrage : Christophe Prochasson, Anne Rasmussen (dir.), Vrai et faux dans la Grande Guerre (La Découverte 2004). Recension par Anne-Claude Ambroise-Rendu.

« Sur le champ de bataille, on perd tout sens du certain, donc tout sens de la vérité. On peut dire ainsi que dans un récit de guerre authentique, rien n’est absolument vrai. » On est, avec ces mots empruntés à l’écrivain-combattant le plus marquant de la guerre du Vietnam, au cœur de la problématique autour de laquelle s’organise le livre dirigé par Christophe Prochasson et Anne Rasmussen. Vrai et faux dans la Grande guerre pourrait n’être qu’un ouvrage de plus sur la propagande et la censure des médias pendant le premier conflit mondial. Or ce livre collectif est bien plus que cela. Fermement architecturé autour de trois axes : le façonnage de l’opinion, l’imaginaire de la guerre et le témoignage, il offre une réflexion (...) Lire la suite

Ouvrage : Michael Palmer, Quels mots pour le dire ? Correspondants de guerre, journalistes et historiens face aux conflits yougoslaves (L’Harmattan, 2003). Recension par Isabelle Veyrat-Masson.

Michael Palmer avec toute l’érudition, qu’on lui connaît, dans un fourmillement d’informations inédites et de remarques originales nous propose un ouvrage sur la couverture médiatique du conflit yougoslave entre 1989 et 2001. À l’occasion d’un des conflits les plus longs et les plus graves survenu sur le sol européen depuis 1945, l’auteur cherche à « croiser temps long et temps court, espaces de la communication-monde et espaces limités à tant de mots, de signes, de secondes pour « raconter ce qui se passe ». » Jouant avec les mots comme avec les correspondances dans les faits et dans le temps, Michael Palmer nous propose tout d’abord de savants retours en arrière sur les journalistes et sur l’histoire la plus (...) Lire la suite

Ouvrage : Jean-Marie Charon, Arnaud Mercier (dir.), Armes de destruction massive. Informations de guerre en Irak, 1991-2003 (CNRS Communication, 2004). recension par Isabelle Veyrat-Masson.

Ce livre a une double ambition : faire une comparaison entre deux événements ayant eu lieu dans des conditions très semblables à 12 ans d’intervalle, et conduire une analyse à chaud des conditions de l’information d’une guerre à peine terminée, la guerre d’Irak de 2003. Le premier objectif paraît très judicieux et malgré quelques redites, inévitables dans les ouvrages collectifs, celui-ci parvient très bien à montrer les principales évolutions dans les techniques de communication entre les deux conflits. Il semblait plus difficile en revanche, d’analyser avec si peu de recul le dernier conflit irakien. La gageure est réussie. L’ouvrage réunit avec bonheur des auteurs que l’on retrouve rarement dans les mêmes ouvrages : des chercheurs français, des journalistes et des analystes étrangers. Les points de vue se complètent et apportent de nombreux éléments d’information. Avec ce livre on est véritablement devant un objet qui se construit, chaque intervention apportant une pierre à l’édifice. Ses coordinateurs (Charon, Mercier) commencent par faire la synthèse des enjeux médiatiques des guerres. Ils rappellent que la mobilisation exceptionnelle des médias en temps de guerre est soutenue par une opinion qui montre une forte attente d’information. La comparaison avec d’autres situations est parlante comme le rappel de la situation du Petit Parisien qui voit ses ventes passer de plus d’un million d’exemplaires avant la guerre à 2 300 000 exemplaires en 1917 (record absolu le 12 novembre 1918 avec 3 031 312 exemplaires vendus). Le lecteur sait pourtant que l’information qu’il reçoit alors est incomplète et biaisée comme ne l’ignorent pas les téléspectateurs de 1991 et 2003. Peu importe que les recettes publicitaires baissent pour des raisons venant à la fois de l’annonceur et du bouleversement des programmes, peu importe s’ils travaillent sous haute surveillance, les médias se font tous une obligation de répondre à cette attente. La brève comparaison historique entre les diverses technologies ayant permis le récit de l’événement est parlante. Si l’on voit que les informations qui parviennent ne sont pas de même nature (au-delà des questions du temps mis par les nouvelles pour parvenir aux lecteurs) on peut se demander dans quelle mesure les contemporains des deux guerres du Golfe ont été véritablement mieux informés que les lecteurs de la presse du xixe siècle. Car si les moyens de communication se sont améliorés, les modes de contrôle aussi. C’est à ce jeu du chat et de la souris politico-médiatique, à propos des deux guerres d’Irak que les différents textes de ce livre sont consacrés.

Le plan de l’ouvrage s’articule autour de cinq points. La première partie cherche à resituer les enjeux comparés des deux guerres du point de vue tant stratégique (Battistella), politique (Charon) que médiatique (Bourdon, Arquembourg). La deuxième et la troisième partie cherchent à rendre compte de la manière dont les événements ont été traités. Comment les journalistes ont-ils travaillé ? De la collaboration « exemplaire ou presque » de la presse américaine avec le gouvernement qu’analyse Lance Bennet (mais aussi d’Alençon, Sinz, Chantraine) aux « war blogs » (Le Cam) qui paraissent être l’élément le plus nouveau de cette information en temps de guerre, plusieurs articles analysent le travail des journalistes embedded (Bureau) et le climat de fort patriotisme qui régnait alors aux États Unis. À l’extérieur de l’Empire en revanche, les points de vue sont plus éclatés : en France (Véray, Riutort, David) évidemment, mais également en Grande-Bretagne (Palmer), au Canada (Demers), dans les pays arabes à travers Al-Jazira (Lamloum), l’ONU (Soriano) et en Belgique (Lits), d’autres voix se font entendre. Plus libres pour autant ?

La moitié du livre s’interroge sur la situation de l’information dans les pays engagés en Irak en 2003 (États-Unis, Grande-Bretagne) : « misère de l’information », pressions gouvernementales, difficultés d’informer honnêtement dans un climat patriotique farouche. Il semble que tous les moyens soient mis en œuvre après le 11 septembre pour conditionner un pays entier (Mathien). La guerre est la seule réponse à l’outrage absolu. La mort légitime doit répondre aux morts illégitimes. On ne manquera pas de remarquer cependant que les auteurs (Mercier, Frau-Meg) s’appuient sur des travaux américains pour décrire les diverses manipulations de l’opinion. C’est aussi de l’intérieur de l’Empire que naissent la contestation et la dénonciation. Cela n’empêche pas un très grand nombre d’Américains d’être dupes de fausses nouvelles et de mensonges comme le montrent les sondages analysés ici. Mais des sondages encore plus récents ne révèlent-ils pas à quel point les opinions sont volatiles ?

Ce qui semble particulièrement réussi dans cet ouvrage, c’est le ton adopté par l’ensemble de ces interventions. Généreusement descriptif souvent, ce qui est tout à fait nécessaire pour traiter d’événements aussi récents et nappés de mystère (sinon de mensonges et de rumeurs) le livre apporte des analyses qui tout en étant critiques n’optent jamais pour le ton de la dénonciation.

Cet ouvrage a également le grand mérite d’apporter une ouverture très riche à travers des traductions (Aldridge, Greenberg, Cunningham), les articles français évoquant les travaux américains (nombreux sur ce sujet) et également une importante bibliographie anglophone.

Isabelle Veyrat-Masson

Recension publiée dans Le Temps des médias, n° 4, printemps 2005, p. 276-277.

Ouvrages : Judith Sylvester, Suzanne Hoffman, Reporting from the front. The media and the military (Rowman and Littlefield, 2005) ; Lee Artz, Yahya Kamalipour (dir.), Bring ‘em on. Media and politics in the Iraq war (Rowman and Littlefield, 2005). Recension par Michael Palmer.

Même éditeur, thème semblable, approches très différentes… Le Temps des médias ayant consacré un numéro récent (N° 4, printemps 2005) à « Dire et montrer la guerre autrement », revisitons ici diverses perspectives et approches développées par ceux qui, aux États-Unis et dans divers pays anglophones, scrutent les discours véhiculés par le gouvernement fédéral et les médias états-uniens, ainsi que les rapports entre les responsables politiques et militaires d’une part, et les journalistes et les chercheurs d’autre part, qu’ils soient producteurs ou analystes de ces discours. Reporting from the front prend place dans une littérature abondante aux États-Unis et au Royaume-Uni : peu après « l’Evénement » (...) Lire la suite

Ouvrage : Jean-Pierre Bédéi, L’info - pouvoir, manipulation de l’opinion sous la Ve République (Actes Sud, 2008). Recension par Marie-Christine Lipani Vaissade.

La télévision peut-elle faire un bon candidat à l’élection présidentielle ? Pour Jean-Pierre Bédéi, la réponse est oui. Son ouvrage le démontre, mais il serait réducteur de penser que ce livre se concentre uniquement sur le rôle joué par la télévision, sorte de vaisseau amiral de la communication politique des candidats, pendant la course à l’Élysée. L’auteur se livre à une analyse profonde des relations sulfureuses entretenues par le pouvoir politique et l’information à la télévision depuis 1958. Il ne s’agit ni d’un récit linéaire, ni d’une étude historique exhaustive, l’auteur a choisi de mettre en exergue les tendances fortes, les comportements clés caractérisant les époques et les gouvernements successifs. Avec finesse, il (...) Lire la suite

Ouvrage : François-Bernard Huygue, Maîtres du faire croire, de la propagande àl’influence (INA/Vuibert/CLEMI, 2008). Recension par Béatrice Donzelle.

François-Bernard Huygue, chercheur en sciences politiques, est l’auteur de plusieurs ouvrages sur les stratégies d’information et de communication, notamment en milieu conflictuel. Il présente ici une histoire de la communication en tant qu’arme stratégique, en contexte de guerre et de régime totalitaire, mais aussi en période de guerre froide et tiède. En quatre parties chronologiques, il revient sur les applications politiques et commerciales des techniques propagandistes, et rappelle les principales théories scientifiques en matière d’influence.

Un premier chapitre retrace les fondements des techniques d’influence contemporaines, de la Propaganda fide au béhaviorisme à la veille de la Première Guerre mondiale. Le chapitre (...) Lire la suite