Comptes rendus
Jean-Yves Mollier
Tardieu et la tentative d’interdiction de L’Humanité
Tout ou presque semble avoir été dit de la tentative faite, au cours des mois de juillet et août 1929, pour liquider, sinon interdire L’Humanité. Présentée dans le journal lui-même à la mi-août comme la preuve d’un complot gouvernemental destiné à faire taire le porte-parole de la classe ouvrière, cette thèse fut, par la suite, écartée par ceux qui ne voulurent voir, dans les manifestations du 1er août 1929, que l’application des directives de l’Internationale communiste. Si les manœuvres souvent tortueuses du préfet Jean Chiappe et du ministre André Tardieu ressortent clairement des archives aujourd’hui disponibles, on verra que ce n’est pas le seul aspect susceptible d’intéresser l’historien. Au croisement d’intérêts multiples, parfois divergents, souvent contradictoires, cette affaire mêle en effet plusieurs niveaux d’interprétation. S’il n’est pas niable que la volonté de l’IC ait joué un rôle important dans ces circonstances, on note aussi des rivalités internes au Parti communiste français qui aboutissent à des changements importants dans la direction de L’Humanité. Mais, au-delà de ces aspects liés à l’histoire du communisme, on observe aussi l’intervention d’autres acteurs, appartenant au monde de la politique, des médias et même de l’avant-garde littéraire. A travers l’instrumentalisation de l’éditeur des Œuvres complètes d’Emile Zola en 1927-1929, François Bernouard, , les agissements de son fondé de pouvoir, Maurice Diament-Berger - le futur producteur de radio André-Gillois - et celles de l’avocat de la Banque Ouvrière et Paysanne, Robert Lazurick, le futur patron anticommuniste de L’Aurore après 1945, on voit s’agiter un microcosme très révélateur des mutations de l’entre-deux-guerres.