Soutenances de thèses
Erica Guevara : "Si tu veux du sang et des balles, tu n’as qu’à zapper sur une autre radio". Émergence, institutionnalisation et formes d’appropriation des radios communautaires en Colombie, 1948-2010
Thèse de doctorat en Science Politique. Soutenance le vendredi 6 décembre à 14h30 à l’École doctorale de Sciences Po, au 199 boulevard Saint Germain, 75006 Paris, en salle du Conseil (3ème étage).
Membres du jury :
Hélène Combes, Chargée de recherche, CNRS/CERI-IEP de Paris
Olivier Dabène, Professeur des universités, IEP de Paris (directeur de thèse)
Fabien Granjon, Professeur des universités en sciences de l’information et de la communication, Université Paris 8 Vincennes/Saint-Denis (rapporteur)
Salvador Marti i Puig, Professeur en sciences politiques, Universidad de Salamanca, Instituto de Iberoamérica (rapporteur)
Caroline Ollivier-Yaniv, Professeure des universités en sciences de l’information et de la communication, Université Paris-Est Créteil
Isabelle Sommier, Professeure des universités en sociologie, Université Paris 1
Alors que la Colombie traverse une période de violence intense au début des années 1990, une forme de média en apparence nouvelle se diffuse dans tout le territoire et est légalisée par l’Etat : celle des radios communautaires. Se positionnant comme politiquement neutres par rapport au conflit armé, elles sont paradoxalement aussi censées créer de la participation, donner la voix aux sans voix, pacifier, reconstruire le tissu social déchiré… En interrogeant les liens entre médias et action collective, cette thèse explique comment se produit la diffusion et l’institutionnalisation d’un type de média marginal dans un contexte politique aussi adverse. A partir d’une démarche généalogique et comparative mise en pratique grâce à une enquête qualitative d’un an sur cinq régions colombiennes, il est montré que la radio communautaire peut être comprise comme une forme d’action collective dont les origines remontent à la fin des années 1940. Retracer l’histoire de la catégorie met en évidence l’existence de groupes militants aux intérêts multiples qui luttent pour la « cause des médias ». Loin de l’image du média local et autogéré, les radios communautaires sont prises dans des tissus d’interactions avec une multiplicité d’acteurs porteurs d’injonctions normatives sur l’ « utilité sociale du média » et ceci à différentes échelles (locale, régionale, mais aussi nationale et internationale). Si les radios communautaires ont été légalisées en Colombie, c’est parce que ces militants multi-positionnés, intermédiaires entre différentes sphères d’activité, cadrent l’objet en des termes compatibles avec l’action de l’Etat. Le média est alors redéfini et donne lieu à des appropriations diversifiées sur les territoires, en fonction des configurations d’acteurs. Si aucun des impératifs normatifs ne se réalise pleinement dans la pratique, les radios communautaires se révèlent cependant comme des espaces de négociation des rapports entretenus entre acteurs publics et acteurs collectifs à l’échelle nationale, ainsi que des frontières de la « communauté imaginée » dans un pays habituellement décrit comme un territoire fragmenté.