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02 - Publicité, quelle histoire ?

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Jérôme Bourdon

Shakespeare, Dallas et le commissaire. Pour une histoire de la fiction télévisée européenne

Le Temps des médias n°2, printemps 2004, p.176-196

Cet article retrace l’histoire de la fiction télévisée (cinéma compris) dans les cinq grands pays d’Europe de l’Ouest. La fiction est un genre porteur d’une forte charge symbolique, accessible à un large public, et lié à l’identité de chaque nation. La télévision a d’abord mis en valeur les adaptations historiques et littéraires en direct. Avec la croissance du média, l’Amérique a affirmé sa force concurrentielle. Pour atteindre un plus large public, les télévisions européennes ont alors développé et/ou perfectionné une fiction plus populaire et se sont appliquées à imiter ou démarquer les genres et les méthodes de production américaine. La télévision tend à absorber le cinéma. Les spécificités nationales demeurent considérables. La fiction s’est révélée rétive à toute « européanisation ». englishflag

Le terme de « fiction » s'est imposé dans les années 1980, pour désigner un ensemble de programmes télévisés regroupant téléfilms, mini-séries, séries et feuilletons, recourant à des comédiens, un scénario, une mise en scène. La « fiction télévisée » est-elle pour autant un objet historique allant de soi ? Dilemme de l'histoire des genres, et dilemme classique de l'historien : pour la synthèse, il nous faut beaucoup d'analyses, mais pour commencer l'analyse, il faut déjà une synthèse : « aucune analyse vraiment historique n'est possible sans une continuelle interprétation. Pour que l'analyse puisse commencer, il faut qu'une synthèse soit déjà disponible dans l'esprit du chercheur [1] ».

Fiction » est venu de la poétique et de la théorie des genres, renouvelées par le structuralisme et par la théorie du récit ou narratalogie [2]. Cependant, la narratalogie s'est consacrée surtout à des récits nobles : la fiction littéraire ou cinématographique, voire le récit historique, et beaucoup plus rarement les récits populaires, qu'ils soient fictionnels ou non, comme l'a noté Gérard Genette [3]. Dans le champ télévisuel, jusqu'aux années 1980, on n'utilise pas le mot fiction mais une variété de termes, issus du théâtre (français, « dramatique », anglais, « drama », allemand, « Fernsehspiel »), de la radio et de la presse (« feuilletons »), mais aussi des anglicismes tels que « séries » qui sera suivi par « téléfilms ». Lorsque le mot de « fiction » commence à Ãªtre employé par des analystes de la télévision, économistes, sociologues, et aussi par des juristes, pour caractériser cet ensemble de récits, il n'englobe pas le cinéma qui constitue pourtant, selon la théorie des genres, un récit éminemment fictionnel.

Pour des raisons de poétique et pour des raisons sociales [4], cet article traite de la fiction télévisée en incluant le cinéma, sans se limiter à la fiction faite pour la télévision. Malgré les débats anciens sur la spécificité respective des deux formes de récits, cinéma et fiction de la télévision emploient des ressources communes et, surtout, sont pris dans des débats sur le rôle de la fiction dans la culture nationale, débats qui ont convergé depuis les débuts de l'histoire de la télévision. Comme le cinéma, la télévision (et singulièrement la fiction télévisuelle) a été volontiers jugée comme un site crucial d'expression de « l'identité nationale ». Les médias audiovisuels sont ici héritiers d'une longue histoire. La fiction moderne est née avec le roman [5], s'est prolongée dans le cinéma et la télévision : il s'agit toujours d'histoires imaginaires (même si elles s'appuient sur un arrière-plan réel), s'adressant à un large public, écrites (ou diffusées) dans des langues nationales, investies d'une valeur spécifique dans la culture des nations, et contribuant à la formation de « communautés imaginées » (Anderson).

C'est dans ce contexte politique et culturel que l'on s'attache ici à retracer une histoire de la fiction télévisée en Europe de l'Ouest, à partir d'exemples empruntés aux cinq grands pays. Comment la fiction télévisée a-t-elle été insérée dans les débats sur la culture dans chaque nation ? Ces débats ont été multiples : réclamant le titre de « neuvième art », la fiction télévisée a été prise dans une rivalité ancienne avec le cinéma, avec des prétentions sans cesse réaffirmées [6] ; la fiction a aussi été perçue comme moyen de diffuser la culture lettrée auprès d'un large public ; le cinéma, comme la télévision, ont été compris comme des formes de culture nationale en lutte (ou en coopération) avec d'autres nations, entre Europe et Amérique ; enfin, avec la croissance de la télévision, la fiction est devenue un enjeu économique et industriel, mais toujours porteur d'une forte charge symbolique.

Résumons d'un trait : cherchant d'abord à diffuser Shakespeare (ou les Shakespeare nationaux) auprès du peuple, la fiction télévisée prétend aussi être une forme d'art et utilise le cinéma comme bouche-trou. Puis la spécificité technique ou esthétique se perd, la télévision croît, l'Amérique affirme sa force concurrentielle, en termes de coûts et de pouvoir d'attraction (Dallas). Il faut produire plus populaire, plus vite, et c'est l'âge des commissaires (Navarro ou ses confrères européens), qui héritent de tentatives anciennes pour produire une fiction populaire. En même temps, la télévision en vient à absorber ou à contrôler un cinéma qui a perdu de son lustre artistique (inégal selon les pays) mais gagné force deniers de la télévision. Telle est la ligne principale de notre récit, qui ne doit pas faire oublier des épisodes quantitativement mineurs mais significatifs : dans les années 1970, les essais de fiction sociale, populaire, critique, neuve au plan de la forme (en Angleterre, Cathy Come Home de Kenneth Loach) ; dans les années 1980, les tentatives pour produire d'une fiction qui refléterait une culture européenne.

Le service public comme temple de la fiction littéraire et historique

Jusque dans les années 1960, à l'inverse de l'idéologie actuelle qui met en avant la production privée (baptisée désormais « indépendante »), les grandes télévisions européennes valorisent la production interne. En France, ce monopole de production, comme on dira plus tard, est de droit jusqu'en 1964. Ailleurs, il n'a pas besoin du droit. Il est « naturel » pour les grands services publics d'avoir des personnels abondants travaillant dans tous les genres télévisuels. La technique, et les choix techniques, y contribuent : la grande majorité des émissions est produite en direct, ce qui contribue à l'intégration du travail et des métiers dans les vastes bâtiments où les programmes sont simultanément tournés et diffusés. Buttes-Chaumont à Paris (inauguré en 1957), nouveau Television Centre de la BBC à l'Ouest de Londres (inauguré en 1960), Studios du Prado del Rey à Madrid (inauguré en 1964), ces bâtiments sont aussi des symboles qui manifestent le pouvoir de la télévision comme institution, et, sauf en Allemagne, son caractère étroitement centralisé.

Plusieurs facteurs font de la fiction télévisée le genre roi. Au plan de la politique des programmes, elle répond à la mission éducative et culturelle centrale pour le service public. Même si, dans la fameuse trilogie des missions inscrite dans la Charte Royale de la BBC (alors radio seulement) de 1926 (« information, education and entertainment ») et dans ses variations continentales, l'information vient en tête, elle est un objet de polémiques, délicat pour les dirigeants, frustrant pour les journalistes qui ne bénéficient pas encore de la notoriété des années 1970 et souffrent des soupçons de censure. Lorsqu'elle s'attache au patrimoine littéraire et théâtral, la fiction répond pleinement aux ambitions du service public, tout en échappant aux polémiques politiques. Elle fait l'objet d'un consensus entre droite et gauche. À travers les pièces écrites pour la télévision (en France, La Caméra explore le temps), les adaptations de romans historiques et de pièces, elle transmet (ou du moins on le croit) à la fois l'histoire du pays et son histoire littéraire. Aussi bien, parce qu'elle prend forme narrative, elle a un réel pouvoir d'attraction sur le public, sauf pour les textes les plus anciens (Eschyle) ou les plus modernes (Beckett, monté en France, dans l'Espagne de Franco, et en Allemagne). Ceux-ci recueillent au moins les faveurs de la critique. À l'époque où l'on mesure peu l'audience (sauf en Grande-Bretagne après les débuts de ITV en 1955), le succès des classiques paraît assuré. Tout juste promu ministre de la Culture, Malraux s'émerveillera qu'en un soir Racine ait plus d'audience qu'en plusieurs siècles ; à la même époque, un producteur de la BBC fait la même remarque pour Shakespeare [7] : ceci deviendra un pont aux ânes des enthousiastes de la télévision comme outil de culture. Enfin, les prétentions artistiques de la télévision sont plus faciles à défendre jusqu'aux débuts des années 1960, car le cinéma européen d'après-guerre, à l'exception du néo-réalisme italien, est globalement de médiocre qualité artistique [8].

Chaque télévision nationale combine ainsi littérature « universelle » (c'est-à -dire européenne, avec un rare ajout américain) et littérature nationale. Goethe est plus important pour la télévision allemande, Shakespeare pour l'anglaise, Molière pour la française, mais chacun de ces auteurs est adapté dans les pays voisins. Dans tous les pays, le pourcentage d'adaptations non nationales est important, jusqu'à 45 % pour le théâtre télévisé italien entre 1954 et 1961 [9]. L'exception est britannique : dans un relevé de toutes les pièces diffusées par la télévision britannique entre mars 1954 et décembre 1956 [10], on ne trouve que trois auteurs non britanniques, dont deux des « classiques télévisés européens » du temps : Dumas et Tchekhov. Enfin, les pays où le réveil national et culturel a été plus tardif que les trois cités ont leurs propres classiques de télévision, qui ne s'exportent pas : signe discret d'inégalité entre cultures nationales. En Italie, en 1967, l'adaptation du roman national par excellence, I promessi Sposi (Les fiancés) de Manzoni (publié en 1827), est pour la RAI l'entreprise majeure de l'année [11], et une seconde adaptation est proposée en 1989.

De tous les grands « auteurs de télévision » de l'époque, Shakespeare mérite une mention spéciale. Le cinéma a, de longue date, contribué à confirmer son statut, né au XIXe siècle, d'auteur (sinon de l'auteur par excellence) de la littérature universelle ; la télévision lui emboîte le pas [12]. Quelques exemples. Parmi les premières réalisations majeures de la RAI, un Roméo et Juliette en direct [13]. En France, pour les fêtes de fin d'années 1964, une Mégère Apprivoisée. Selon critiques et historiens, une des meilleures réalisations de la télévision espagnole fut un Richard III en 1967 [14]. Au-delà de ces contenus littéraires, cette télévision théâtrale qui sera facilement réduite par les critiques de cinéma à un style pompier et maladroit, réserve des surprises à ceux qui veulent bien l'examiner de près. Le pouvoir des réalisateurs (en France et en Espagne notamment) entraîne une variété de styles et d'expérimentations, qui interdisent l'emploi, d'ailleurs anachronique, du terme « format » [15]. Si la pièce unique (la « single play » britannique) domine, des adaptations littéraires en quelques épisodes ne sont pas rares, ainsi en Espagne ; elles sont systématiquement pratiquées en Italie où elles reçoivent le nom de « scenegiatto ». Cinquante ans après, la télévision italienne pratiquera encore ces « séries all-italiana, dont les principaux traits sont le nombre d'épisodes (de quatre à huit), la durée (plus d'une heure) de chaque épisode et la production très soignée » [16].

La dramatique littéraire et théâtrale, en costumes, fut peut-être le genre-roi, mais pas le genre dominant la fiction en quantité. De ce point de vue, il faut rompre avec une image d'Épinal du service public tout entier voué à la culture. La nécessité de produire, de « nourrir la bête », a entraîné très tôt une diversification des genres et des registres. On puise dans un répertoire théâtral très varié, y compris un répertoire contemporain oublié, un théâtre peu aimé de la critique mais populaire. Ainsi en Italie : malgré la référence au patrimoine, entre 1954 et 1961, 49,6 % des pièces montées sont des adaptations ou des textes de la période 1900-1945, et 34,7 % sont postérieurs à 1945 [17]. Comme en d'autres domaines de réussite populaire (les jeux), l'ampleur du succès surprend parfois mais s'impose au directeur de programmes soucieux de culture mais en mal de succès. Ainsi, la série de boulevard Au théâtre ce soir naît-elle en 1966, du succès inattendu d'une pièce comique qui ne plaît pas aux critiques. Elle durera jusqu'aux années 1980.

Le déclin du théâtre télévisé

Dans les années 1960, le genre du théâtre télévisé perd de son lustre. Même au Royaume-Uni, facilement idéalisé par les professionnels (et les historiens) de la communication, le Journal of the Society of Film and Television Art note, en 1966 : « Le théâtre télévisé (television drama) n'existe pas. Il n'a jamais existé (…). Le monde de la télévision a poursuivi un mirage » [18]. La petite avant-garde de critiques et de réalisateurs renonce à son effort de promotion d'un art nouveau, faute d'alliés. La pression est trop forte : il faut produire et séduire en nombre, et la recherche du succès populaire se concilie mal avec une entreprise de distinction.

La spécificité technique se perd aussi. Le théâtre en direct disparaît. Il n'avait pas que des partisans. « Le vieux studio avec ses quatre caméras au sol (ou plus) avait quelques avantages, ainsi la vitesse de production et le jeu de l'acteur en continu, mais l'éclairage toujours insatisfaisant, le cadrage et le montage souvent approximatifs, en faisait une technique moins précise et plus brouillonne que celle du cinéma classique » [19]. À nouveau, nous choisissons de citer le Royaume-Uni où la technique a été la plus poussée : et pourtant, là aussi, on doute. Les critiques se retrouvent, plus vives encore, ailleurs [20].

Plusieurs formes d'enregistrement s'offrent. Inventé en 1955 aux États-Unis, le premier magnétoscope de marque Ampex arrive en Europe à la station de Granada, en Grande-Bretagne, en 1958. En l'espace de deux ans, la plupart des télévisions européennes acquièrent un « Ampex ». Les ingénieurs sont enthousiastes, les réalisateurs moins, qui rêvent de film, et cherchent, avant l'âge du montage électronique, à monter les premières bandes vidéo deux pouces, ce qui suppose l'usage de colle, de rasoirs et de microscopes. Mais le film devient disponible. Le 16 mm professionnel, développé pour le documentaire et l'information, est bientôt d'assez bonne qualité pour la fiction, et beaucoup moins cher que le 35 mm. Les producteurs privés en sont d'avides utilisateurs.

D'où un double déclin. D'abord, la fiction en direct disparaît, aux alentours de 1961-1962. En Italie, pour la période 1954-1961, 56 % des pièces de théâtre télévisées sont diffusées en direct d'un studio, 22 % en direct de théâtres, 18 % en différé d'un studio. Puis, entre 1962-1967, 90 % sont enregistrées en studio, et 6 % enregistrées dans des salles de théâtre [21]. En France, le dernier exemple majeur de dramatique en direct date de 1961 : il s'agit des Perses d'Eschyle qui enthousiasme une partie de la critique (moins le grand public) [22]. Puis, la dramatique vidéo décline au profit du film. Aux ambitions esthétiques des réalisateurs s'ajoutent les pressions économiques qui vont pousser aussi à sortir des décors du studio au profit de drames contemporains plus simples à tourner. Les directeurs de programmes, les gestionnaires qui deviennent des figures-clef dans la télévision des années 1970, se rendent compte que la dramatique vidéo-fixe est loin d'être le plus populaire des programmes. Dans certains pays, la concurrence des séries américaines commence à peser, notamment en Espagne, télévision faible en ressources et assoiffée de popularité car très tôt financée par la seule publicité.

Le lexique reflète ces changements. Les néologismes propres au théâtre télévisuel reculent et l'on sent bien que la réalité se dérobe à la spécificité qu'ils étaient censés décrire [23]. Des termes dérivés du cinéma (comme industrie et comme technique) s'imposent. En France, « téléfilm » commence à le disputer à « dramatique », en Allemagne, « Fernsehfilm » à « Fernsehspiel ». En italien, un « telefilm » est aussi une série télévisée, car les séries télévisées sont arrivées d'Amérique, tournées sur film, et donc été associées à ce support et à l'esthétique qu'il implique.

À la recherche du populaire : des créneaux thématiques aux séries

Parallèlement aux créations dramatiques, la télévision a, de longue date, cherché à Ã©laborer une fiction populaire capable de retenir, semaine après semaine, voire jour après jour, l'attention d'un large public. Cet effort précoce, relativement négligé par la critique, est central pour comprendre les développements consécutifs à la déréglementation. Le chemin vers la sérialité fut long. Dans les télévisions américaine puis anglaise, beaucoup d'émissions dramatiques sont intégrées dans des créneaux horaires de même titre (parfois, aux États-Unis, au nom du sponsor) et à la thématique voisine (on parle alors d'« anthologies » – on notera l'origine littéraire du lexique). Mais le mot de « series », venu de la radio, est utilisé aussi. Il court dans l'histoire de la télévision française le récit d'une réunion, dans les années 1950 : Jean d'Arcy, directeur des programmes, invite des réalisateurs à trouver des idées de séries, notamment à la suite du succès d'En votre âme et conscience, créé en 1954 : avec son lieu unique et son casting « récurrent », ce « théâtre de tribunal » (« courtroom drama », comme l'appellera la télévision américaine) est sans le savoir à l'avant-garde d'une télévision populaire et bon marché. Peut-être cette demande vient-elle aussi de l'anglophilie notoire du directeur des programmes, représentatif de la culture télévisuelle européenne du temps. En tout cas, cette demande de « séries » (au sens le plus général du mot) donnera naissance, notamment, à La Caméra explore le Temps. Par ailleurs, et sans se concerter, la plupart des stations européennes auront leurs « théâtre de tribunal » [24]. Le record de longévité appartient sans doute à la première chaîne publique allemande, l'ARD, dont la série vivra de 1961 à 1978.

Le Royaume-Uni commence aussi par des séries dramatiques constituées d'épisodes différents mais avec une thématique commune. Dans les années 1970, la commerciale ITV proposera encore de telles « anthologies » (d'un nombre limité d'épisodes, moins d'une dizaine) sous le titre Rivals of Sherlock Holmes ou Victorian Scandals. Mais dès avant, la Grande-Bretagne est le premier pays d'Europe à proposer des séries et des « serials » sur le modèle américain, avec le même héros ou le même groupe de personnages et des histoires complètes à chaque épisode ou des histoires à suivre. Ce pays, il est vrai, avait de longue date adapté les formats de la radio américaine, en se faisant fort de les soumettre à ses propres traditions nationales [25]. De surcroît, il fut le premier importateur majeur de fictions et de « formats » de jeux américains après le démarrage de la chaîne privée ITV en 1955 [26].

Dès avant, la BBC avait lancé le premier soap opera britannique, The Grove Family (diffusé en direct, deux fois par semaine, des studios de Lime Grove de 1954 à 1957) alors que les États-Unis avaient déjà transposé le genre de la radio à la télévision. En 1960, ITV lance le premier soap de longue durée non-américain, Coronation Street. Il commence sa carrière comme un feuilleton régional (serial) en 13 épisodes. Devant le succès, il est diffusé nationalement et demeure encore une des émissions les plus populaires de la télévision britannique [27]. Il contribue à la formation d'une tradition. Comme le soap américain, il mêle plusieurs lignes narratives à propos d'un groupe de personnages qui comprend plusieurs familles. À rebours, il s'éloigne des milieux bourgeois et de leurs démêlés sentimentaux et met l'accent sur un quartier populaire, avec ses problèmes sociaux et son sens de la communauté.

La France tentera aussi de produire des séries longues avec moins de succès (échec qui se répétera). L'un des premiers feuilletons notables, à forte coloration pédagogique, est l'adaptation du classique « républicain » Le Tour de France par deux enfants (39 fois une demi-heure, diffusé le dimanche à 17 heures) [28]. Avec le Temps des Copains (1961) puis Janique Aimée (l'histoire sentimentale d'une petite infirmière) (1963), c'est l'avènement du feuilleton populaire. Le type de diffusion est original et « commercial » (avant l'heure) pour une chaîne publique unique : en épisodes quotidiens d'un quart d'heure. Malgré le succès, le format n'est pas repris : en soi, un symptôme de l'absence d'urgence à sérialiser la fiction.

La fiction sérielle ne progresse véritablement que dans un seul genre qui traverse l'ensemble des médias, et dont la thématique remonte à l'essor du fait-divers dans la presse populaire du XIXe siècle : la série policière, que l'on retrouve sur l'ensemble du continent. Ainsi, lorsqu'en France le directeur des programmes réclame des séries à ses réalisateurs (cf. supra), l'invention la plus durable sera une série policière, Les Cinq dernières minutes. Créé en 1958, le titre perdure jusqu'à 1997. Il démarre comme un jeu télévisé (deux candidats en cabine assistent au spectacle au moment de la diffusion et doivent résoudre l'énigme), mais devient vite une série de fiction classique. En 1958 également, la RAI lance Club Giallo (Le Club du Crime). Comme Les Cinq dernières minutes, la série démarre comme un jeu et devient une série policière. Quoique tournée en Italie, elle prend pour cadre Los Angeles et pour héros un « commissaire Sheridan ». La série poursuit sa carrière selon une méthode de production qui caractérisera la fiction italienne : six cycles (ensemble constitué de 5 à 6 épisodes hebdomadaires) sont produits jusqu'en 1972 [29]. En Allemagne l'inspiration américaine est visible dans Stahlnet (ARD, 1958) adapté de l'anthologie policière américaine Dragnet, créée en 1951, à partir d'un programme de radio fondé sur des reconstitutions d'affaires policières célèbres [30]. La longue série policière devient une institution avec Der Kommissar, (ZDF, 1969-1976). En 1971, l'ARD lance une anthologie qui connaîtra un immense succès : Tatort (le lieu du crime). Les épisodes sont confiés aux différentes stations de l'ARD et chacune procure des héros et des décors différents.

Dans les années 1980, certains commissaires régionaux généreront leurs propres séries dérivées (« spin-off », dans le jargon de la télévision américaine). Un des policiers de Der Kommissar deviendra le personnage le plus célèbre de la télévision allemande : Derrick, lancé en 1974. En 1997, il était diffusé dans plus de cent pays (mais pas aux États-Unis) [31]. Fondée sur un arrière-plan social réaliste, sur un héros d'âge moyen, excluant la violence, la série est atypique dans l'univers des séries policières. Hors Allemagne, elle est souvent diffusée l'après-midi et touche donc des publics plus féminins et plus âgés que la moyenne.

Alors que le genre policier croît, partout le téléfilm isolé (la dramatique, le Fernsehspiel, la « single play ») recule au profit de séries et de feuilletons de genre divers [32]. La dramatique littéraire en costumes se sérialise elle aussi : ainsi la BBC produit-elle, dans un style cinématographique, la Forsythe Saga (1967) qui sera populaire dans l'ensemble de l'Europe [33]. En Italie, la « mini-séries » filmée Leonardo da Vinci (1971), qui fut influente en Espagne [34], reflète aussi ce changement de style. En Angleterre, le pays de la tradition théâtrale, dans les années 1980, les « single plays » ne représentent plus qu'un quart ou moins de l'ensemble de la fiction produite [35].

Le populaire, autrement ?

Avant que la pression de la concurrence et le retour au libéralisme n'emportent la télévision des années 1980, la télévision va faire une tentative pour créer un genre original. Il ne s'agit pas ici de produire une fiction populaire (entendez : de large succès) par opposition à une fiction littéraire, mais une fiction populaire « critique » qui soit à la fois sociale et subversive par la forme (on reconnaît là des débats cinématographiques) par rapport à une fiction « bourgeoise ». Nantis de caméras 16 mm (ils contribuent ainsi au succès du support film), des réalisateurs vont produire des fictions sociales en décors naturels, souvent avec des acteurs non-professionnels. Au Royaume-Uni où la tradition documentaire est la plus riche, Kenneth Loach sera le nom le plus connu : après Up the Junction (1965), Cathy Come Home (1966) devient le point de référence. Diffusé dans le cadre du créneau The Wednesday Play de la BBC, Cathy Come Home n'a rien d'une « pièce » et tout d'un film. Il traite de la crise du logement à travers l'histoire d'une jeune femme racontée à la première personne, mêlant les techniques du documentaire (interview, commentaire en voix off) et ceux de la fiction [36]. En France, Jacques Krier est le pionnier, qui tourne un Mariage à la Campagne en 1963 avec des acteurs non-professionnels. Dans les années 1970, ces expériences seront officiellement baptisées « l'écriture par l'image » [37]. En Allemagne [38], une tradition différente se forme, celle du « Arbeiterfilm » (« film du travailleur »), rattaché au « cinéma prolétarien » de la République de Weimar. Le nom désignera aussi bien des documentaires sociaux que des fictions d'un ou plusieurs épisodes. La très libérale station de l'ARD, la WDR, en est le foyer. R.W. Fassbinder en sera un tenant, ainsi avec la série Huit heures ne font pas une journée (1972-1973), qui combine des thèmes ouvriers avec un jeu distancié et « brechtien ».

Si la dramatique en direct va disparaître pour des raisons économiques et politiques, la fiction sociale documentarisante souffrira d'autres maux. Peu coûteuse, elle est trop politique pour une télévision où la pression de l'audience augmente alors qu'il faut faire vendre des postes après le lancement de la couleur. Dans la plupart des pays, en 1970, deux chaînes en concurrence s'opposent et plus de 70 % des foyers sont équipés d'un téléviseur. En France, un nouveau directeur des programmes met officiellement fin à « l'écriture par l'image » en 1970. En Allemagne, le « Arbeiterfilm » disparaît aux environ de 1976. Le « genre », si l'on peut qualifier ainsi des tentatives convergentes mais jamais coordonnées, a vécu. Sur l'agenda des télévisions publiques, deux questions centrales : le rapport avec le cinéma, autrement dit, une meilleure exploitation des ressources cinématographiques ; le rapport avec la télévision américaine, jadis surtout repoussoir, en passe de devenir modèle ou source d'inspiration.

La montée du cinéma

En parallèle à la croissance des séries, la télévision en est venue à puiser plus largement dans le cinéma. Aux débuts, dans une télévision monopolistique, patrimoniale, jalouse de son originalité et de ses droits, le film est une ressource secondaire, un « bouche-trou » comme on l'a écrit pour l'Italie [39]. Le patriotisme professionnel du service public répugne à s'appuyer sur des films, perçus comme support d'une culture commerciale de divertissement [40]. Pour autant, le nombre de films diffusés n'a jamais été négligeable. En France [41], de 1954 à 1963, le nombre moyen de films diffusés annuellement s'élève à 130. Toutefois, de 1957 au début des années 1970, près de 90 % des films diffusés le sont au moins 5 ans après leur première sortie en salles. Comme les producteurs considèrent la télévision comme une concurrente, ils « lâchent » leurs films avec réticence. Certains pays, dont la France et l'Italie, commencent cependant à valoriser le cinéma à partir de magazines dévolus à l'histoire et à l'actualité du film [42].

Avec l'extension du nombre d'heures, et la création d'un deuxième canal, le nombre de films diffusés croît, bien au-delà des capacités de production nationale. Au milieu des années 1970, le nombre de films diffusés par les deux chaînes publiques dans les grands pays européens est partout supérieur à trois cents, très au-dessus d'une production nationale en baisse [43]. Cette croissance générale cache cependant des situations et des choix de politique très différents, notamment d'arbitrage (implicite) entre télévision et cinéma.

Dans trois pays, le cinéma prend grande place au prime time, ce qui reflète la faiblesse de la production télévisuelle (voir infra) : Italie, Espagne et France. En Italie, la RAI accepte une limitation de la diffusion des films dans les années 1960, mais la déréglementation sauvage, dès les années 1970, fait du prime time italien un lieu d'accueil privilégié de la production audiovisuelle américaine, films [44] et télévision confondus. En Espagne, le déclin du cinéma est rapide, ce qui se traduit en salles et à la télévision : de 285 films diffusés en 1977 sur la seule première chaîne, 9 % seulement sont espagnols [45]. En France, par contre, la production et la distribution du cinéma sont protégés. Un cadre jacobin enserre les relations des deux médias. Un accord est passé entre l'ORTF et les représentants de l'industrie cinématographique en 1972, qui servira de base à tous les accords futurs : la télévision est officiellement reconnue comme productrice, elle doit contribuer à financier le cinéma, les heures de diffusion sont limitées. Peu à peu, les chaînes utilisent les films qu'elles coproduisent comme ressource majeure. Aux côtés du sport et des variétés, le film français devient le « genre télévisuel » le plus populaire.

La Grande-Bretagne et l'Allemagne protègent leur fiction audiovisuelle, mais d'une manière très différente de la France. Le cinéma proprement dit est laissé pour compte, les frontières esthétiques et financières entre cinéma et télévision deviennent poreuses. Officiellement, les Là¤nder allemands investissent dans la production (régionale), tandis qu'un accord est passé en 1974 entre cinéma et télévision principalement pour maintenir de hauts niveaux d'investissement. Dans les années 1990, de vingt à trente films sont produits annuellement par les chaînes publiques, soit la moitié de la production allemande. En pratique, beaucoup des films ont une très courte durée de vie en salles (où triomphe le cinéma américain) et fonctionnent comme adjuvant d'une production télévisuelle dynamique [46]. En Grande-Bretagne, une taxe sur les recettes créée en 1950 et des règles de diffusion protègent un temps le cinéma, mais les années Thatcher voient l'abolition de ces règles, d'ailleurs mal respectées. En 1977, la production nationale chute à 50 films. Mais avec ou sans cinéma national, la fiction de prime time demeure nationale, et le cinéma américain est utilisé d'abord comme ressource spéciale – au moment des fêtes notamment où son pouvoir d'attraction fonctionne à plein.

Le syndrome de Dallas et la dérégulation

Dans les années 1970, une crise s'ouvre. La télévision fait face à une sévère hausse des coûts de production de la fiction, qui tient à la fois à la technique (passage généralisé à la couleur) et à la tendance à la hausse des coûts du spectacle vivant. Le câble et le satellite vont provoquer, du moins on le croit, une multiplication des canaux et une nécessité de produire massivement, sauf à risquer une « invasion » américaine. Au même moment, la fiction américaine populaire moins coûteuse que la production nationale n'en finit pas de séduire, mais aussi de surprendre, abordant des sujets politiques liés à l'histoire contemporaine et de provoquer des débats devant lesquels l'Europe recule : le succès de la mini-séries Holocaust (diffusion aux États-Unis en 1978), consacré à la biographie d'une famille juive prise dans le génocide, est un véritable choc culturel qui contribue au renouveau des débats sur le sujet [47]. Centré sur l'histoire de l'esclavage, Roots (Racines, diffusion aux États-Unis en 1977) constitue, dans une moindre mesure, un événement.

C'est Dallas qui devient le symbole de la puissance de la télévision américaine. Des séries américaines avaient déjà connu un grand succès aux débuts de la télévision, sans provoquer de tels débats car le média était encore négligé et méprisé par les élites culturelles et politiques. Après sa diffusion aux États-Unis qui commence en 1978, Dallas est populaire partout en Europe en 1979-1981, même s'il n'est pas le premier programme de ces saisons. Même au Royaume-Uni, il atteint des chiffres d'audience de « presque 20 millions (39 % de part d'audience) en novembre 1980 avec l'épisode « Qui a tué J.R. ? ». La même année, il figure deux fois au « top 10 » national » [48]. En 1985, le plus célèbre critique de la télévision britannique publie un livre sous le titre Television to-day and to-morrow. Wall-to-wall Dallas [49] : telle est la menace qui s'annonce. D'autres séries du même type [50] connaissent le succès : Falcon Crest, Dynasty. En quelques années, « Dallas » devient une synecdoque pour télévision américaine, culture populaire américaine, pour tout ce que les services publics européens doivent redouter.

Redouter ou imiter ? Pour la première fois, des représentants des télévisions européennes l'affirment publiquement : il faut s'approprier le « savoir-faire américain », écrire des histoires « comme les Américains ». Ils reconnaissent un sentiment d'infériorité longtemps admis par d'autres groupes professionnels, dans les genres de l'information et du divertissement [51]. Ce que l'on peut qualifier de « réponse à Dallas », toutefois, varie fortement de pays à pays. En 1985, la BBC, après avoir longtemps résisté, lance son propre soap opera, Eastenders, un succès immédiat qui demeure à ce jour parmi les programmes les plus populaires, semaine après semaine, aux côtés de Coronation Street. Les réponses de la télévision allemande sont variées. C'est le succès de Dallas qui persuade la deuxième chaîne publique ZDF de lancer Scharzwaldklinik (La Clinique de la Forêt Noire). Puisant dans une tradition allemande de récits médicaux, sur fond de paysages typiques, ce soap opera à l'allemande est un grand succès dès sa première livraison en 1985-1986. En 1985, l'ARD lance son propre soap, Lindenstrasse, qui se déclare une imitation de Coronation Street. Le réalisateur Edgar Reitz apporte une réponse plus originale aux défis américains avec Heimat (1984) et Die Zweite Heimat (1990) deux séries (36 heures au total) racontant l'histoire d'une famille rurale allemande de 1918 à nos jours. Il veut d'abord se réapproprier l'histoire allemande contre la culture américaine : il vise Holocaust [52]. La série provoque un immense débat. Dialoguant avec une longue tradition allemande [53], célébrée pour ses qualités cinématographiques (elle sera projetée en salles), elle est aussi critiquée pour ne pas aborder de front les aspects les plus controversés de l'histoire allemande [54], et pour célébrer un amour nostalgique d'une patrie irréelle.

Plus au Sud, la machine audiovisuelle est plus faible, et la réponse plus délicate. En France, beaucoup d'espoir est investi dans Chateauvallon (1985), le « Dallas à la française », coproduit avec la chaîne anglaise Channel 4, qui, comme son modèle, présente la rivalité de deux puissantes familles. Chateauvallon à propos duquel Jeremy Isaacs, célèbre premier directeur général de Channel 4, forgera l'expression d'Europudding [55], est un échec. En Italie, en 1983, un rapport sur la « faisabilité de la production sérielle » est remis au Conseil d'Administration de la RAI [56], mais il n'y a pas de Dallas à l'italienne.

La déréglementation : croissance et métamorphose de la fiction

La réponse à la crise va venir, au moins partiellement, de la politique, et par des voies inattendues. Certes, la déréglementation qui avait commencé, sauvage, dans l'Italie des années 1970, et s'élargit à l'ensemble de l'Europe avec la création de puissantes stations privées dans les années 1980, ne provoque pas, il s'en faut, une hausse immédiate de la production. Au contraire, dans leurs premières années, les stations privées sont toutes de gros importateurs de fiction américaine. Puis, avec des points de départ très inégaux entre télévisions publiques, la production va croître, partout, mais en même temps, la notion même de fiction nationale va se compliquer. La crise de Dallas se dénoue, au prix d'une redéfinition de la fiction télévisuelle en termes essentiellement nationaux (par rapport à la fiction américaine) mais aussi industriels (capacités de production), ce qui conduit à un abandon presque total de la problématique culturelle et pédagogique.

Heures annuelles de fiction de première diffusion sur les chaînes hertziennes 1980-2000 [57]

1980 1985 1996 2000
France 476 378 690 615
Allemagne NA NA 1 689 1 801
Italie 147 198 221 627
Espagne NA NA 459 1 199
R.U. 803 982 1 058 1 321

La tendance est à la hausse, mais une hausse irrégulière. De 1999 à 2000, par exemple, la production a baissé après trois années de progression continue. En France, la baisse de 1996 à 2000 dissimule des à -coups, notamment une hausse « artificielle » en 1996, due au succès des fictions quotidiennes (fait exceptionnel en Europe, et peu durable) de AB productions commandées par TF1 (du type Hélène et les Garçons). L'Italie et surtout l'Espagne développent leur production, mais en Espagne les coûts horaires sont très bas, et l'on perd en qualité ce que l'on gagne en volume. Les efforts pour produire une fiction plus sérielle se poursuivent, non sans difficultés car le modèle du téléfilm (cinématographique) demeure très prégnant, notamment en France et en Allemagne. De 1996 à 2000, tous pays confondus, en volume horaire, le pourcentage de téléfilms baisse de 49 % à 43 % [58]. Si l'on passe de la fiction produite à l'ensemble de la fiction diffusée, le pourcentage de séries est très supérieur, ce qui reflète le poids des importations américaines (notamment chez les diffuseurs privés, en journée). Les nations européennes placent leur production en prime time, où la fiction américaine représente, sur une semaine échantillon en 2000, de 25 % à 49 % du temps de fiction [59].

Enfin, les coproductions progressent : en 2001, elles représentent 17,2 % de la valeur de la production de fiction dans les cinq grands pays, dont 5,1 % sont coproduits avec les pays d'Amérique du Nord, et 12,1 % avec d'autres pays européens [60]. Précisons : le Royaume-Uni est traditionnellement un médiocre coproducteur européen. La France et L'Allemagne poursuivent là une tradition établie dans les années 1960, tandis que l'Italie voit reculer sa part de coproductions. Beaucoup des coproductions représentent aussi des partenariats dans des zones linguistiques et culturelles homogènes (pays francophones, germanophones, mais aussi l'Espagne avec l'Amérique Latine). Bref, la dynamique de la coproduction est plus internationale qu'européenne, et de surcroît se traduit peu dans les contenus : le leader de chaque coproduction impose généralement une couleur qui demeure très nationale. Les scripts multinationaux sont l'exception, ainsi Le Petit Lord, une coproduction germano-italienne à succès de 1996, est, non sans ironie, une européanisation d'un classique américain où l'Italie et la Bavière remplacent l'Angleterre et les États-Unis de l'intrigue originale. Malgré l'inflation du discours politique sur la « culture européenne », celle-ci ne trouve pas sa traduction télévisuelle – ou cinématographique. Les rares efforts pour « faire l'Europe en images » n'aboutissent pas. Il n'y a pas de récit audiovisuel européen possible [61].

La hausse ne s'explique pas principalement par la réglementation et les quotas. Les deux principaux producteurs, le Royaume-Uni et l'Allemagne [62] ont d'abord et surtout de fortes traditions de production nationale. Au Royaume-Uni, les quotas de programmes nationaux à diffuser, élevés (de l'ordre de 85 %) résultent plus d'une volonté interne des télévisions publiques que d'une réglementation [63]. C'est sur un soubassement public solide que la production privée a pu croître : l'opposition juridique du public et du privé se relativise lorsqu'on approche l'histoire de la télévision par les traditions professionnelles. Ainsi, dans les deux pays précités, se sont développées des traditions de production de soap, qui ont touché chaînes publiques et privées, alors que la plupart des pays européens, notamment l'Italie et la France, n'ont pas pu (malgré quelques tentatives) produire des soap operas [64]. Dans les années 1990, un des succès de la chaîne privée allemande RTL était Schlechte Zeiten : un soap « cloné » sur un succès hollandais, lui même fondé sur un soap australien, The Restless Years [65]. Le combat politique pour les quotas, sans discuter de sa valeur de principe, apparaît moins efficace que la lente construction d'un appareil de production. En 1993, la délégation française s'est battue avec succès (succès fragile) pour « sortir » la culture, c'est-à -dire essentiellement l'audiovisuel des négociations du GATT (devenus entre-temps l'OMC, l'organisation mondiale du commerce) et justifier ainsi des mesures de protection. Si elle a mené le combat sur le plan des principes face à des gouvernements anglais ou allemands indifférents, sa télévision a bien du mal à produire pour combler au moins les besoins des heures de grande écoute. Un des effets de la « sur-reglémentation » française est la haute proportion de programmes européens non-français en journée, en 2000, 15 %, alors que le pourcentage est quasiment nul dans les autres grands pays [66].

Qu'en est-il des contenus ? Théâtre et adaptations ont, pour l'essentiel, disparu, et même les fictions situées « quelque part dans le passé », à l'exception de quelques mini-séries dites « de prestige », souvent coproduites car coûteuses, ainsi le Comte de Monte-Cristo (1998) avec TF1 en leader de la coproduction. Pour l'essentiel, comme aux États-Unis, le récit télévisé est situé dans un présent urbain indéterminé, quoique l'environnement rural persiste dans les séries françaises, espagnoles, britanniques. Les genres de la fiction sont difficiles à classer. Pour 1998, une enquête comparative [67] suggérait de classer comme « drama » la majeure partie de la fiction (de 54 % en Espagne à 71 % en Italie). Catégorie résiduelle qui ne nous éclaire guère. Ainsi, le « drame » italien inclut très souvent un élément comique, mais qui n'est pas assez dominant pour le faire classer en « comédie » proprement dite. Les séries policières demeurent inexistantes en Espagne mais elles constituent près de 30 % de la fiction de première diffusion en Allemagne et France, moins en Angleterre, beaucoup moins en Italie. La comédie est centrale en Espagne (45 %) et France (32 %). Elle est notoirement faible en Allemagne (alors qu'elle y réussit au cinéma).

Chaque pays réclame, au-delà de ces comparaisons très générales, une étude spécifique pour comprendre les traditions télévisuelle et cinématographique du récit et leurs interactions. L'histoire de la fiction télévisée européenne est aussi celle de la « domestication », de l'hybridation de formats télévisuels américains adaptés au goût et aux capacités nationales. L'exemple européen le plus connu est le soap britannique, cité plus haut [68]. Le genre qui a conquis le prime time espagnol, la comédie, a été comparé à la sitcom américaine ; mais elle continue de refléter un fort sentiment communautaire dans un cadre de voisinage ou de quartier. Ceci est un motif récurrent dans la télévision espagnole, une des clefs du succès d'une série de 1971-1972, Cronicas de un Pueblo (Chroniques d'un Village) [69]. Cette emphase sur la communauté locale (y compris en milieu urbain) serait même une des principales caractéristiques du soap opera « européen », lorsqu'il en existe [70]. L'américanisation relative des méthodes de production, des durées, des rythmes de diffusion, va de pair avec une persistance des traditions nationales, parfois utilisées contre les genres connus de la télévision américaine [71].

Sur un autre plan, celui du lien entre fiction et actualité, des travaux français et italiens suggèrent une évolution d'ensemble de la fiction, notamment policière traitant de la crise sociale, délaissant l'intrigue policière classique ou l'ethnographie des milieux sociaux. Sur les cinquante dernières années, en France, le récit policier télévisuel serait passé de « fictions reposant sur l'enquête, fondées sur une criminalité liée à une pathologie du lien familial à une fiction reposant sur l'action renvoyant à une criminalité sociale », ce qui renvoie à un monde « où triomphe l'individu mais dont la pathologie est la violence non contrôlée, l'anonymat, l'abandon, la perte de lien » [72].

Nombre de films diffusés sur les chaînes hertziennes (non codées) [73]

1976 1985 1998
France 517 500 1 222
Italie (RAI, Fininvest/Mediaset) Non dispon. 3 330 5 022
RFA puis Allemagne 324 724 10 024
Espagne 285 (1977) 394 4 478
Royaume-Uni Non dispon. 1 550 (1983) 2 456

Le cinéma : un renouveau fragile dans les marges de la télévision

Pour les spectateurs européens, et de façon croissante, « la fiction », ce sont aussi des films où l'influence financière et peut-être esthétique de la télévision se fait de plus en plus sentir. La déréglementation, comme chaque poussée de concurrence, provoque une forte croissance du nombre de films diffusés (voir tableau). Encore les chiffres disponibles (voir ci-dessous) ne rendent-ils pas compte des chaînes par abonnement (type Canal+), du câble et des chaînes régionales, fortes consommatrices de films en Espagne.

Le changement est qualitatif autant que quantitatif. Partie intégrante de l'imaginaire du cinéma, la salle devient l'expérience d'une minorité, surtout des jeunes auxquels les genres américains font appel de façon croissante (action, aventure, horreur), tandis que le film, même fabriqué pour les salles, est principalement vu sur le petit écran – et, à la différence de la fiction télévisée, abondamment revu. L'Italie, une fois de plus, a été pionnière de l'avenir de la télévision européenne. Sur le plan de la diffusion, les « vieux » films (plus de dix ans, voire plus de cinq ans), sauf les très grands succès, ont quitté le prime time. Le produit convoité est le grand succès américain, contre laquelle la fiction européenne ne peut pas rivaliser. Selon la revue mensuelle Eurodience, Pretty Woman a été diffusé cinq fois d'avril 1992 à novembre 1995, lorsqu'il recueillit encore 14,2 % de taux d'audience.

Dans une certaine mesure, le cinéma national a également bénéficié de la concurrence accrue. Le meilleur exemple en est Channel 4. Créée en 1982, dépourvue de production propre, cette chaîne anglaise a investi dans le cinéma de son propre mouvement. Dès la première année, elle finance 20 « films » – dont 5 seulement sont distribués en salles, certains recevant des prix (Meurtre dans un jardin anglais, 1982), d'autres, plus rarement, trouvant le succès, comme Quatre mariages et un enterrement en 1994. La BBC, ITV et même l'opérateur du câble et du satellite British Sky Broadcasting (née en 1990 de la fusion de Sky Channel et de British Satellite Broadcasting) ont suivi la même stratégie. Apparemment, l'investissement dans un petit nombre de films paie, au moins sur le plan symbolique, occasionnellement sur le plan financier : il est une affaire d'image et de prestige, à une époque où une télévision économiquement triomphante ne trouve pas, du moins en Europe, le succès critique correspondant. En 1995, le magazine professionnel britannique Broadcast écrit : « les funérailles de l'industrie du cinéma britannique ont été retardées ». Mais le sentiment de fragilité demeure.

En Allemagne, le système d'aide généreux et décentralisé a été réorganisé. Les organismes publics sont plus soucieux de l'audience des films qu'ils aident à produire, et les chaînes de télévision plus encore. Dans les salles, le cinéma américain conserve la part du lion (85 % des entrées et plus). Cependant, la pression de la compétition a contribué à un modeste renouveau du cinéma national, qui a réussi à « placer » quelques succès dans les salles, qui passent mal les frontières (comme les comédies de Sönke Wortmann). En Italie, après un plancher au milieu des années 1980, des considérations de prestige, le besoin de créer des événements, ont poussé les chaînes à investir dans le cinéma. Carlo Freccero, l'un des programmeurs de Silvio Berlusconi, a expliqué comment la production de films nationaux a été une arme contre la RAI qui programmait Dallas et avait encore en « portefeuille » les animateurs les plus prestigieux [74]. Cependant, ce cinéma poussé par la télévision commerciale, un peu comme en Allemagne, consiste surtout en des comédies populaires, parfois en de rares coups d'éclat « artistiques » (modèle Channel 4) alors que l'effort économique et créatif se concentre sur la fiction, et, à défaut, sur le divertissement, reality shows compris.

En France, la réglementation permet de maintenir de hauts niveaux de production. Confirmant le principe posé dans un accord de 1972, une taxe de 5,5 % sur les revenus de toutes les chaînes a été créée en 1986 pour financer la production originale de cinéma et de télévision. Automatiquement, la hausse des revenus de la télévision alimente la production. En 1993, pour la première fois, cette taxe représente plus pour le cinéma que la taxe sur les billets. De surcroît l'investissement direct de la télévision dans les films contribue aussi largement au financement du cinéma, avec, au centre de ce système, la chaîne de films à péage Canal+, qui pré-achète des centaines de films par an. La France produit donc, mais dans les salles et plus encore à la télévision, le déclin du cinéma national continue. Le système français finance, mais il a du mal à trouver ses consommateurs [75], alors que, moins noble aux yeux du monde politique et culturel, la fiction télévisuelle a plus de succès.

Au total, le timide renouveau du cinéma, emporté par la télévision, est éminemment fragile. Dans les petits pays, un budget de long métrage est hors de portée pour les chaînes. À cause des rediffusions, de la vidéo, les films ont perdu leur pouvoir d'attraction. Les catalogues sont aux mains de puissants intermédiaires liés à des groupes multimédias qui réservent les films pour les chaînes du câble, ce qui contribue ou contribuera aussi à un déclin du cinéma dans le prime time des chaînes hertziennes. Partout où les pouvoirs publics forcent les chaînes à programmer et/ou à investir dans le cinéma national, des plaintes se font entendre sur son faible pouvoir d'attraction par rapport à la fiction nationale ou au cinéma américain. C'est un leitmotiv des dirigeants de Canal+ en France. En Espagne, à partir de 1983, la télévision nationale TVE a été soumise à un quota de 20 % de films nationaux, porté à 25 % en 1987. Pilar Miro, alors directrice générale de la télévision publique, a expliqué que la télévision nationale avait été forcée de diffuser ou de rediffuser des films anciens et peu attrayants [76]. En résumé, le cinéma à la télévision est désormais fait de quelques succès américains, occasionnellement renforcé par la comédie nationale. Le cinéma « européen », catégorie bureaucratique plus qu'esthétique, demeure, en quantité, marginal.

Du théâtre historico-littéraire officiellement célébré, à l'esthétique spécifique, à la recherche systématique de la série populaire plus cinématographique, et aux efforts pour soumettre le cinéma aux besoins de la télévision, une transformation majeure a eu lieu. La télévision publique s'interrogeait sur sa fonction par rapport à un patrimoine national, tout en développant des ambitions artistiques. De façon éphémère, elle s'est aussi faite le reflet de revendications sociales. La télévision privée qui domine aujourd'hui l'ensemble audiovisuel cherche à « coller » aux préoccupations du public, ses auteurs fouillent la presse populaire, ses producteurs et ses diffuseurs ont l'œil rivé sur les taux d'audience (et les premiers sont soumis aux seconds).

Cette transformation s'est produite à travers un double dialogue, intra et inter-national. Entre nations, le dialogue essentiel est moins intra-européen qu'entre l'Amérique et chaque nation européenne, occupée à définir son Amérique (et sa contre-Amérique), même si les producteurs payent un hommage (plus verbal que financier) au discours politique sur la culture audiovisuelle européenne, à distinguer des coproductions européennes dont la nécessité est d'abord financière. Au sein de chaque nation, des instances différentes ont rivalisé pour définir, concevoir, défendre, des récits nationaux : les milieux politiques marqués de façon croissante par l'économisme, tous partis confondus, un cinéma européen affaibli et embourgeoisé, parfois protégé avec l'aide forcée de la télévision [77], et surtout les institutions télévisuelles, dont la stabilité sociale et professionnelle apparaît, à terme, comme la clef essentielle de l'histoire de la fiction.

[1] J. Huizinga cité par Karl Vià« tor, « L'histoire des genres littéraires », in G. Genette et al. Théorie des genres, Paris, Seuil, Collections Points, 1986, p. 31.

[2] Une étape majeure de cette conceptualisation : Wayne Booth, The Rhetoric of Fiction, Chicago, University of Chicago Press (1961, 2 édition revue et augmentée 1981).

[3] Gérard Genette, « Récit fictionnel, récit factuel », in Fiction et Diction, Paris, Seuil, 1991, p. 65-94.

[4] Inséparables les unes des autres : les caractéristiques formelles du texte sont corrélatives de ses caractéristiques sociales, en production et en réception.

[5] Anne-Marie Thiesse, La création des identités nationales, Europe XVIIIe-XXe siècles, Paris, Seuil, 1999, p. 131-137. Ian Watt, The Rise of the Novel, Studies in Defoe, Richardson and Fielding, Londres, Hogart Press, 1987. Franco Moretti, Atlas of the European Novel 1800-1900, Londres et New York, Verso, 1999.

[6] Un écho tout récent de cette vieille rivalité dans le Monde, 12 décembre 2003, « Les succès d'audience font de la fiction une valeur refuge de la télévision » : le responsable de la fiction de TF1 y souligne que la fiction a « déjà capté tout un champ du cinéma, le polar par exemple ». Dans cette phrase, toute une revanche sur un long passé de mépris.

[7] Georges Brandt, dir., British Television Drama, Cambridge et New York, Cambridge University Press, 1981, p. 1.

[8] Pierre Sorlin, European Cinémas, European Societies 1939-1990, Londres, Routledge, 1991, p. 109.

[9] Gianfranco Bettetini, Sipario ! Storia e modelli del teatro televisivo in Italia, Rome, RAI-VPQT, 1989, p. 20.

[10] Adriano et Luigi Belloto, Sipario ! Vol 3. Teatro e televisione. Modelli europei a confronto, Rome, RAI-VPQT, 1996, p. 84-86.

[11] Walter Veltroni, I programmi che hanno cambiato l'Italia. Quarant'anni di televisione, Milan, Feltrinelli, 1992, p. 207.

[12] Voir pour les adaptations en langue anglaise Luke McKernan et Olwen Terris, dir., Walking Shadows. Shakespeare in the National Film and Television Archive, Londres, British Film Institute, 1994.

[13] Aldo Grasso, Storia della televisione italiana, Milan, Garzanti, 2000, p. 21-22.

[14] Manuel Palacio, Historia de la televisià³n en Espaà±a, Madrid, Editorial Gedisa, 2000, p. 146-147.

[15] Pour un exemple, Gilles Delavaud, « Dramaturgie du télévisuel », in Jérôme Bourdon & François Jost, dir., Penser la télévision, Paris, Nathan, 1998, p. 133-150.

[16] Milly Buonanno, « Much Ado… Not About Nothing : Italian TV Fiction in 1998 », in Continuity and Change, Television Fiction in Europe, Eurofiction Third Report, Luton, University of Luton Press, 2001, p. 73.

[17] Gianfranco Bettetini, op. cit., p. 218.

[18] Georges W. Brandt, op. cit., p. 1.

[19] Georges W. Brandt, dir., British Television Drama in the 80s, Cambridge et New York, Cambridge University Press, 1993, p. 16.

[20] Marcel Bluwal, Un Aller, Paris, Stock, 1974, p. 90.

[21] Gianfranco Bettetini, op. cit., p. 15.

[22] Voir l'extrait d'un rapport du service des études de la RTF cité par Pierre Bourdieu, La Distinction, Paris, Minuit, 1979.

[23] Voir l'histoire des recherches allemandes sur le Fernsehspiel : Knut Hickethier, Fersehspielforschung in der Bundesrepublik und der DDR. 1950-1985, Berne, New York et Paris, Peter Lang, 1989, notamment p. 45-48.

[24] Qui ont sûrement connu des précédents radiophoniques.

[25] Valeria Camporesi, « The BBC and American Broadcasting, 1922-55 », Media, Culture and Society 16-4, p. 635.

[26] Jeremy Tunstall & David Machin, The Anglo-American Media Connection, New York & Oxford, Oxford University Press, 2000, p. 26.

[27] Alessandro Silj et al., East of Dallas. The European challenge to American television, Londres, British Film Institute, 1988, p. 106.

[28] Christian Bosseno, Deux cents téléastes français, Paris, Corlet/Télérama/CNC, 1989, p. 23.

[29] Walter Veltroni, op. cit., p. 101.

[30] Jeremy Tunstall & David Machin, op. cit., p. 24.

[31] Le Monde, supplément radio-télévision, 23 janvier 1997.

[32] Voir pour la France : Jérôme Bourdon, Histoire de la télévision sous de Gaulle, Paris, INA & Anthropos, 1990, p. 160, pour le Royaume-Uni : Jeremy Potter, Independent Television in Britain, Vol. IV, Companies and Programmes, 1968-80, Londres, MacMillan, 1990, p. 223.

[33] Manuel Palacio, op. cit., p. 153-154.

[34] Ibid.

[35] Georges W. Brandt, dir., British Television Drama in the 80s, op. cit., p. 16.

[36] John Corner, The Art of Record, A critical introduction to documentary, Manchester, Manchester University Press, 1996, chapitre 1.

[37] Christian Bosseno, op. cit., p. 268.

[38] Richard Collins & Vincent Porter, WDR and the Arbeiterfilm : Fassbinder, Ziewer and others, Londres, British Film Institute, 1981.

[39] Aldo Grasso, op. cit., p. 722.

[40] Peppino Ortoleva, « Cinema e televisione », in G. P. Bruneta, dir., Storia del cinema mondiale, vol 1. l'Europa, Turin, Einaudi, 1999.

[41] Pour les chiffres de diffusion du cinéma en France dans cette section, Régine Chaniac et Jean-Pierre Jézéquel, Télévision et Cinéma, le désenchantement, Paris, Nathan & INA, 1998.

[42] Pour une histoire de cette cinéphilie télévisuelle en France : Jérôme Bourdon, « L'audiovisuel face au cinéma ou l'embaumeur amoureux », in Le cinéma français vu par…, Paris, Institut National de l'Audiovisuel & Centre National de la Cinématographie, 1994, p. 23-34.

[43] Régine Chaniac & Jean-Pierre Jézéquel, op. cit., passim.

[44] Fania Petrocchi, Il cinema della televisione italiana, La produzione cinematografica di RAI e Fininvest (1976/1994), VPQT 141, Rome, RAI-ERI, p. 29.

[45] Valeria Camporesi, Para grandes y chicos. Un cine para los espaà±oles, Madrid, Ediciones Turfan, 1993, p. 93.

[46] Jean-Pierre Jézéquel, La production de fiction en Europe, Paris, La Documentation française et INA, 1993, p. 72.

[47] Jérôme Bourdon, dir., « L'histoire à la télévision », Dossiers de l'Audiovisuel, n° 24, 1996.

[48] Allesandro Silj, op. cit., p. 78.

[49] Christopher Dunkley, Television to-day and to-morrow. Wall-to-wall Dallas, Hardmonsworth, Penguin, 1985. Il reprend une formule du directeur général de la BBC de l'époque.

[50] « Prime time soap », comme on les appelle un moment, car elles combinent les intrigues à suivre du soap opera avec une diffusion en prime time.

[51] Jérôme Bourdon, « Genres télévisuels et emprunts culturels. L'américanisation invisible des télévisions européennes », Réseaux, 14, 2001, p. 209-236.

[52] David Morley et Kevin Robins, Spaces of Identity, Global Media, Electronic Landscapes and Cultural Boundaries, Londres, Sage, 1995, p. 92-93.

[53] Pierre Sorlin, op. cit., p. 100.

[54] Max Egly, « Heimat – Die Zweite Heimat », Documents – Questions allemandes, 1, 1993, p. 35-40. Voir aussi Silj, op. cit., p. 162.

[55] John Ellis, communication privée. « Europudding » sera utilisé pour décrire, en télévision ou en cinéma, les entreprises de création commune aboutissant à un produit sans saveur à force de vouloir les combiner toutes.

[56] Philip Schlesinger, « Review article : Any Chance of Fabricating Eurofiction », Media, Culture and Society, Vol 8, 1986, p. 125-131.

[57] Sources. Pour 1980 et 1985 : Eurodience. European Newsletter on Programmes and Audiences. Feature article : European Television Fiction : The State of Production. N° 22 (June 1989), 8-15. Pour 1996, Milly Buonanno, M., dir., Imaginary Dreamscapes. Television Fiction in Europe, Luton : University of Luton Press, 1998. Pour 2000, Eurofiction. La fiction télévisuelle en Europe, Rapport 2002, Strasbourg, Observatoire européen de l'audiovisuel, 2002. Résumé disponible sur le site de l'INA.

[58] Eurofiction. La fiction télévisuelle en Europe. Rapport 2002, op. cit.

[59] Ibid.

[60] Synthèse du rapport : Eurofiction économie. Économie de la fiction télévisuelle en Europe. Édition 2003. Disponible sur le site de l'INA.

[61] Jérôme Bourdon, « Une communauté inimaginable. L'Europe et ses politiques de l'image », Mots, 2001, n° 67, p. 150-167.

[62] Jean-Pierre Jézéquel, op. cit, p. 17.

[63] D. Strinati, « The taste of America. Americanisation and popular culture in Britain », in D. Strinati & S. Wagg, dir., Come on down ? Popular media culture in post-war Britain, Londres, Routledge, 1992, p. 61.

[64] Tamar Liebes & Sonia Livingstone, « European Soap Operas. The Diversification of a Genre », European Journal of Communication, Vol. 13/2, 1998, p. 175.

[65] Albert Moran, Copycat TV, Globalization, Program Formats and Cultural Identity, Luton, University of Luton Press, 1998, p. 89.

[66] Eurofiction. La fiction télévisuelle en Europe. Rapport 2002. op. cit.

[67] Milly Buonanno, dir., Continuity and Change. Television Fiction in Europe, op. cit.

[68] K. Dodd & P. Dodd, P., « From the East End to Eastenders. Representations of the working class 1890-1990 », in D. Strinati & S. Wagg, dir., Come on down ? Popular media culture in post-war Britain, Londres, Routledge, 1992.

[69] Jose Baget Herms, Historia de la televisià³n en Espaà±a. 1956-1975, Barcelone, Feed-Back, 1993, p. 248.

[70] Sonia Livingstone & Tamar Liebes, article cité.

[71] En ce sens, Fania Petrocchi, op. cit., p. 31.

[72] Sabine Chalvon, « Fiction policière et identité sociale virtuelle », in Geneviève Sellier et Pierre Beylot, Les médias en actes, Paris, INA, 2004 (à paraître). Pour l'Italie, Milly Buonanno, « News-Values and Fiction-Values : News as a Serial Device and Criterion of “Fictionworthiness†in Italian Television Fiction », European Journal of Communication, Vol. 8, p. 177-202, 1989.

[73] Sources : Pour 1998, Observatoire Audiovisuel Européen. Pour l'Espagne en 1977 et 1985, Valeria Camporesi, Para Grandes y Chicos, op. cit., p. 93. Pour les autres chiffres, Eurodience, European Newsletter on Programmes and Audiences, n° 3, 1986.

[74] Aldo Grasso, op. cit., p. 275.

[75] Régine Chaniac & Jean-Pierre Jézéquel, op. cit., p. 31.

[76] Pilar Miro, « La télévision espagnole et la production cinématographique aujourd'hui », Revue de L'UER. Programmes, administration, droit 11/1, 1989, p. 43-44.

[77] Pierre Sorlin, op. cit., p. 144, le remarque à propos de l'origine sociale des novateurs des années soixante, tandis que dès les années soixante-dix les facteurs du revenu et de l'âge sont déterminants pour expliquer le niveau de fréquentation du cinéma.

Citer cet article : http://histoiredesmedias.com/Shakespeare-Dallas-et-le.html

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