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Ouvrage : Valérie Vignaux, Jean Benoit-Lévy ou le corps comme utopie. Une histoire du cinéma éducateur dans l’entre-deux-guerres en France (AFRHC, 2007). Recension par Caroline Moine.

En choisissant d’analyser le parcours et l’œuvre cinématographique de Jean Benoit-Lévy (1888-1959), producteur et réalisateur, Valérie Vignaux retrace une histoire passionnante du cinéma éducateur de l’entre-deux-guerres, des enjeux qu’il représente, en France mais aussi au niveau international, dans le cadre notamment de la Société des Nations. L’ouvrage s’appuit sur une solide recherche historique et un travail d’analyse de sources très variées. L’auteure a en effet pu avoir accès aux fonds privés du cinéaste conservés par sa famille (correspondances, articles et conférences sur le cinéma éducateur…). Elle a également dépouillé d’autres fonds comme ceux du ministère des Affaires étrangères, notamment au sujet de l’action dans le domaine cinématographique de la Commission internationale de coopération intellectuelle de la SDN. Afin de saisir les débats et enjeux liés à la question du rôle de l’image cinématographique dans ces années 1920 et 1930, V. Vignaux a également étudié la presse spécialisée de l’époque (des revues allant de Cinéopse, Cinémonde à La Vie agricole et rurale ou encore le Bulletin du Musée pédagogique). Enfin, grâce à un DVD fourni à la fin de l’ouvrage, le lecteur peut accompagner sa lecture de la découverte de quelques-uns des films tirés du très vaste corpus étudié, comprenant plus de 240 titres (majoritairement des courts-métrages), de fiction et documentaires.

L’action de Jean Benoit-Lévy, proche du parti radical et radical-socialiste et de la Ligue de l’enseignement, s’inscrit dans les grands mouvements de vulgarisation des connaissances qui se sont développés tout au long du xixe dans la lignée de l’époque des Lumières. Son Å“uvre recouvre ainsi des ambitions scientifiques mais aussi éthiques et politiques : le cinéma doit servir la démocratie. Art des masses, il est susceptible d’agir sur les mentalités et protéger la démocratie en éclairant la nation. Le cinéma devient même le medium d’une utopie : participer à la reconstruction du corps social. La société est en effet conçue comme un organisme, comme un corps touché par une série de fléaux : outre celui de la Grande guerre, ceux par exemple de la tuberculose, de la mortalité infantile, mais aussi des taudis, autant de sujets qui vont faire l’objet des multiples films du cinéaste.

V. Vignaux décline alors cette thématique autour de quatre parties : l’Utopie, le Corps biologique, le Corps social et le Corps cinématographique. Dans la première, elle retrace le parcours institutionnel de J. Benoit-Lévy, dont l’action et la réflexion se situent à la croisée des milieux intellectuels et scientifiques, des politiques des pouvoirs publics français (du local au national) et des instances internationales (SDN). Cette partie porte un éclairage précieux sur la place que tient le cinéma dans l’action de coopération intellectuelle internationale de l’entre-deux-guerres. Dans les trois parties suivantes, les films eux-mêmes, documentaires et fictions, Å“uvres de propagande hygiéniste ou destinés à l’enseignement professionnel, sont au cÅ“ur de l’analyse, grâce à des études de cas très concrètes. L’un des grands intérêts de l’œuvre de Jean Benoit-Lévy, souligne l’auteure, est de nous proposer les rares images que l’on ait encore décrivant les classes populaires auxquelles elles sont destinées. Mais le réalisateur s’est aussi interrogé sur ce que peut le langage cinématographique, sur l’art et la notion d’auteur, à travers des fictions grand public ou des films de danse de quelques minutes. Exilé aux Etats-Unis pendant la Seconde guerre mondiale, Jean Benoit-Lévy va continuer à être très actif, via notamment le French Americain Bureau of Eductional Research. Après guerre on le retrouve à l’ONU où il se fait un ardent défenseur du cinéma comme acteur de la coopération internationale. Peu avant sa disparition, il participe à la fondation en 1958, sous les auspices de l’ONU, d’un Conseil international du cinéma et de la télévision.

Les œuvres et les écrits de Jean Benoit-Lévy témoignent ainsi d’une réflexion et d’un engagement social, politique comme artistique qui justifiaient amplement une telle étude.

Caroline Moine

Recension publiée dans Le Temps des médias, n° 11, hiver 2008-2009, p. 272-273.

Citer cet article : http://histoiredesmedias.com/Ouvrage-Valerie-Vignaux-Jean.html

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