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Ouvrage : Sarah Howard, Les images de l’alcool en France, 1915-1942 (CNRS éditions, 2006). Recension par Eric Godeau.

Sarah Howard, historienne britannique, interroge l’identité française à travers l’image des vins, des vins aromatisés -du type Dubonnet –, des apéritifs industriels -comme l’absinthe – et des apéritifs distillés. Elle défriche un terrain pratiquement vierge de tout travail historique pour la période 1915-1942, en centrant son étude sur Paris (et non sur la France entière comme le suggère le titre de son livre). L’auteur adopte un découpage chronologique original : entre 1915, année d’interdiction de l’absinthe, et 1942, année d’interdiction des apéritifs et de leur publicité, les images de l’alcool foisonnent. Affiches, insertions publicitaires dans la presse ou au cinéma, références explicites dans l’art et la littérature…, les images de l’alcool se multiplient dans une France qui boit de plus en plus.

En 1915, « la fée verte », l’absinthe alors si populaire, est interdite. A l’origine de cette mesure, l’idée selon laquelle l’alcool distillé est dangereux, qu’il y a les bons et les mauvais alcools. L’auteur passe vite sur l’élaboration de la loi du 10 novembre 1915 et sur les résistances qu’elle suscite chez les producteurs, les distributeurs ou les consommateurs. Elle consacre l’essentiel de son étude à la période faste de l’entre-deux-guerres, marquée par une multiplication sans précédent des images de l’alcool, à une période où publicité et marketing sont en plein essor. Variées, les images de l’alcool sont bien analysées par Sarah Howard : aux images traditionnelles -la famille, le terroir, la bonne table, la « France éternelle », la sensualité- viennent s’ajouter des images plus modernes liées au sport, à l’hygiène de vie ou à la lutte contre le pessimisme dans les années 1930. Durant cette décennie, alors que l’État encourage la consommation d’alcools, le mouvement de tempérance renaît, exploitant le thème du « péril national ». Cocktails et apéritifs anisés sont particulièrement visés, tandis que le vin reste, comme à l’accoutumée, au dessus de tous soupçons. Sans doute faut-il y voir un effet d’un lobbying efficace de la part de ses producteurs, un thème maintes fois évoqué au cours de l’ouvrage mais jamais véritablement traité, à défaut de sources sans doute.

Convaincu de la nécessité de désintoxiquer une France vaincue et décadente, le régime de Vichy met en place un arsenal législatif imposant. Pour la première fois, c’est aux images de l’alcool que le législateur s’attaque : ainsi, en juillet 1942, toute publicité pour l’alcool est interdite. Là encore, nous pouvons regretter que l’auteur passe vite sur les réactions des producteurs et des consommateurs. Au terme d’un ouvrage dynamique et bien illustré, il faut regretter sans doute le manque d’ambition de l’auteur qui étudie les images de l’alcool sans s’intéresser véritablement à leur création et à leur réception, regretter en somme l’absence d’archives d’entreprises dans le corpus de sources.

Eric Godeau

Recension publiée dans Le Temps des médias, n° 7, hiver 2006-2007, p. 265-266.

Citer cet article : http://histoiredesmedias.com/Ouvrage-Sarah-Howard-Les-images-de.html

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