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Ouvrage : Ivan Chupin, Nicolas Hubé, Nicolas Kaciaf, Histoire politique et économique des médias en France (La Découverte, 2009). Recension par Claire Blandin.

Si les auteurs ont choisi cette thématique commune pour travailler ensemble c’est que, pour ces chercheurs en science politique, le retour historique permet de mettre en perspective les débats contemporains sur les rôles sociaux des médias et leur avenir. Ils adoptent donc une « perspective diachronique » pour « identifier les facteurs qui ont contribué à dessiner » le système médiatique français. Leur définition des médias comprend les supports chargés d’offrir à leur public des représentations de l’actualité (presse, radio, télévision et internet). Il s’agit d’étudier les « transformations matérielles et leurs incidences sur les structures sociales, les pratiques de communication, les relations entre le peuple et le pouvoir politique ». Les médias sont donc principalement appréhendés comme des « outils constitutifs des luttes politiques ». Mais les auteurs veulent également parler des acteurs du monde des médias et de l’évolution des logiques économiques, soulignant combien les contraintes financières existent à toutes les époques. Pour eux, cette histoire des médias s’inscrit bien sûr dans un cadre plus large, et accompagne un double mouvement : la démocratisation et l’extension du capitalisme. Ils s’appuient sur de régulières références à la bibliographie présente en fin d’ouvrage, qui rassemble les livres de synthèse déjà publiés sur les médias.

Le plan chronologique choisi débute en 1631 par une longue partie couvrant plus de deux siècles de censures. Le caractère artisanal de la production, la faiblesse du lectorat et la dépendance par rapport au pouvoir politique apparaissent comme des points communs à ces époques successives. L’ouvrage fait appel à quelques références bibliographiques originales (comme l’Histoire de France à travers les journaux du temps passé de Rossel), et, surtout, propose dans les encadrés (marque distinctive de la collection) de très utiles synthèse de recherches plus ponctuelles. Les grandes étapes de l’histoire des médias sont systématiquement replacées dans le contexte de l’histoire politique de la France (comment La Gazette permet de légitimer les choix diplomatiques de Richelieu) et situées dans les évolutions économiques et financières (les systèmes de réimpression de la dite Gazette en province facilitent sa diffusion). La Révolution est placée au centre de l’émergence de l’espace public au xviiie siècle, et plus que l’explosion elle-même du nombre des journaux, c’est le contenu de ceux-ci qui est étudié. Sur cette période bien balisée par l’historiographie, l’ouvrage tente le renouvellement des terminologies (choisissant la « contre-révolution des pouvoirs publics » pour parler des années 1792-1870). Il prend bien en compte les mutations socio-politiques du pays, en s’intéressant par exemple à l’émergence de la presse ouvrière au xixe siècle.

L’abandon volontaire de la périodisation offerte par l’histoire politique est maintenant classique pour l’histoire des médias du premier xxe siècle : la Première Guerre mondiale n’est, ici aussi, plus vue comme une rupture, mais intégrée à un long âge d’or de la presse qui se prolonge jusqu’à la fin de l’entre-deux-guerres. Le choix d’intégrer le second conflit mondial à la période suivante de « redéfinition de l’offre médiatique » est plus original. Il est justifié par un « retour du politique » dès 1939. Pourquoi n’être pas remonté alors jusqu’aux projets du Front populaire ? Sur la période suivante, une autre limite apparaît (mais elle est inhérente au format du livre et aux choix mentionnés en introduction) : en restant centré sur l’information, l’ouvrage passe à côté du renouvellement de l’offre médiatique par le divertissement (ainsi pour la presse magazine, envisagée seulement sous l’angle des « news »).

Couvrant la période des années 1970 à nos jours, les deux derniers chapitres sont sans doute les plus innovants et les plus précieux de l’ouvrage. La synthèse proposée sur la période de « libéralisation et privatisation de l’audiovisuel » permet une bonne périodisation du très contemporain. Le dernier chapitre sur le « brouillage des frontières médiatiques » constitue enfin le meilleur aboutissement du projet annoncé en introduction ; il entre dans les débats contemporains avec une démarche analytique très intéressante.

L’historien des médias ne peut que saluer la publication de cette nouvelle synthèse, qui sera précieuse pour les chercheurs et les étudiants. A côté des ouvrages de Jean-Marie Charon ou de la Sociologie du journalisme d’Erik Neveu, elle vient compléter l’offre d’excellente qualité de la collection « Repères » sur les médias.

Claire Blandin

Recension publiée dans Le Temps des médias n° 13, Hiver 2009-2010, p. 240-241.

Citer cet article : http://histoiredesmedias.com/Ouvrage-Ivan-Chupin-Nicolas-Hube.html

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