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Ouvrage : Annie Renonciat (dir.), L’image pour enfants : pratiques, normes, discours (France et pays francophones, XVIe-XXe siècles) (La Licorne, 2003). Recension par Anne-Claude Ambroise-Rendu.

Comme objet d’étude scientifique, l’illustration pour la jeunesse est souvent tributaire d’une approche esthétique. Le colloque organisé par le Centre de l’écriture et de l’image de l’université de Paris VII qui rassemblait des chercheurs de disciplines variées (littérature comparée, histoire, histoire de l’art, sciences de l’éducation), proposait lui, en interrogeant les contraintes qui réglementent, influencent et stimulent les artistes, en analysant leurs visées pédagogiques et les représentations de l’enfant qui gouvernent leurs choix artistiques, une vision plus historique de cette production.

Les communications issues de ce colloque permettent de distinguer trois périodes dans l’histoire de l’image pour enfants depuis le xvi siècle. Un premier temps voit l’adaptation intuitive de l’image aux goûts de la jeunesse avec le passage de l’allégorie savante à des représentations plus concrètes et plus réalistes du quotidien des enfants. Dès l’Ancien régime, des thèmes nouveaux (le livre, l’enfant, l’éducation) apparaissent dans des supports nouveaux : l’album (Michel Manson). L’évolution ultérieure des cadrages, l’appropriation de la culture adulte à destination des adolescents jusque dans l’édition religieuse qui modernise son iconographie, montre que cet effort se poursuit au xixe siècle (Ségolène Le Men). L’Océanie en estampes, atlas géographique publié en 1832, propose quant à lui un inventaire concret des objets, des habitants, de la flore et de la faune de ce continent (Bernard Huber).

La fin du Second Empire est marquée par une réflexion sur l’image pédagogique, réflexion qui s’épanouit et s’actualise avec la Troisième république. Désormais, on met en œuvre une pédagogie qui sépare, éduque et protège. L’étude des contenus met en lumière les ambiguïtés de l’image didactique, à la fois synonyme d’ouverture et de contrôle des esprits. C’est le cas de l’imagerie scolaire utilisée par la République pour justifier et expliquer l’entreprise coloniale (Dominique Lerch) ou des sujets scientifiques qui, dans les mêmes manuels scolaires, constituent une critique plus ou moins explicite de l’enseignement religieux (Jacqueline Lalouette). Les livres de loisirs, eux, en créant des figures animales amicales et valorisantes (Thierry Groensteen), en renouvelant la forme et le contenu des motifs religieux pour en actualiser le message (Margaret Sironval), font plus de place à l’imagination et aux possibilités d’évasion Mais l’encadrement de la lecture demeure fort comme, du reste, dans la Bibliothèque des petits enfants éditée par Hachette qui, s’adressant aux rejetons de la bourgeoisie, offre une vision volontairement simplifiée des rôles sociaux et sexuels.

Les ramifications de cette réflexion sont aussi politiques. Ainsi, le renouvellement de la production pour la jeunesse, dans les années 1880, est-il directement lié au développement de recommandations en faveur de la formation esthétique de l’enfance conçue comme un instrument d’édification démocratique, recommandations qui influencent les contenus et les formes des images pour enfants dans tous les domaines de création. (Annie Renonciat). Un exemple de cette réflexion et de son application est fourni par les articles critiques de Jeanne Cappe dans la revue belge catholique Littérature de jeunesse, après la Seconde guerre mondiale. Car dans l’intervalle, la lutte contre les Comics américains a commencé, au nom de la protection de l’enfance (Michel Defourny), lutte qui trouve sa consécration législative avec la loi de censure du 16 juillet 1949 (Michèle Piquard).

La fin des années 1960 marque une rupture avec ce nouveau contexte, « conformiste et marchand » : la révolution réalisée par François Ruy-Vidal, qui entend rompre avec les livres traditionnels « banals et sécurisants » et surprotecteurs (Isabelle Nières-Chevrel), ouvre les temps modernes de l’image pour la jeunesse et amorce le recul de sa mission séculaire… Dans le même temps, cependant, les contraintes techniques et éditoriales qui président à l’élaboration des illustrations pour enfants demeurent (Jean Perrot)

Seule lacune à ce très passionnant recueil sur l’image pour enfants, l’absence de considérations, même purement théoriques, sur la réception de ces illustrations. Il est vrai qu’en matière de médias, la question de la réception demeure une sorte de « trou noir » rarement exploré.

Anne-Claude Ambroise-Rendu

Recension publiée dans Le Temps des médias, n° 2, printemps 2004, p. 251-252.

Citer cet article : http://histoiredesmedias.com/Ouvrage-Annie-Renonciat-dir-L.html

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