02 - Publicité, quelle histoire ?
Propos recueillis par Cécile Méadel
Les ressources en histoire de la publicité. Réjane Bargiel, directrice du Musée de la Publicité
Le Temps des médias n°2, printemps 2004, p.273-275
Le musée de la publicité est un département de l'Union Centrale des Arts décoratifs (UCAD) situé, depuis 1990, dans les bâtiments du Louvre, 107 rue de Rivoli à Paris. Outre ses salles permanentes, il y réalise trois fois par an des expositions temporaires, comme celle qui est actuellement consacrée à Air France. Ses collections comprennent un très riche fonds d'affiches dont les plus anciennes remontent au xviiie siècle, des films publicitaires, des annonces de presse, des spots radiophoniques, des objets promotionnels…
D'où provient la collection du musée de la publicité ?
Historiquement, la collection du Musée de l'affiche a fait l'objet de donations depuis le début du xxe siècle. En 1901, le musée a reçu de Georges Pochet une très grosse donation d'affiches qui a constitué le point de départ véritable de nos collections. Il a alors été décidé de les enrichir par acquisitions. Mais ensuite, entre les deux guerres, la collection est restée en sommeil. Les expositions ont recommencé dans les années 1950-1960 et surtout 1970 sous l'impulsion du nouveau conservateur en chef de la bibliothèque, Geneviève Gaétan-Picon ; les collections ont alors recommencé à s'enrichir. La mode de la collection d'affiches a repris au début des années 1970 et depuis une dizaine d'années, nous cherchons à combler les manques de nos collections. Nous avons reçu d'importants dons, en particulier des professionnels : lithographes, imprimeurs, affichistes comme Paul Colin et Savignac…
Les collections sont-elles constituées sur une base esthétique ?
Pas essentiellement. Nous avons beaucoup d'affiches anonymes, même si pendant très longtemps, on s'est surtout intéressé aux chefs-d'œuvre. Geneviève Gaétan-Picon avait mis en place un accord de dépôt avec l'Union professionnelle des Afficheurs, qui donnait un exemplaire de chacune de leurs affiches. Cela représentait un volume énorme de documents, sans sélection et tout à fait disproportionné avec nos possibilités, surtout que le dépôt légal existe en matière d'affiches. Ce volume était difficilement traitable et nous y avons mis fin. Désormais, nous collectons de façon sélective. Nous essayons d'avoir des formats plus « utilisables » que le 4x3 qui coûte une fortune à entoiler et est difficile à exposer.
Comment faites-vous cette sélection ?
En fonction d'une combinaison d'éléments. Nous cherchons à avoir ce que l'on considère comme une base représentative d'une époque. Par exemple, nous recevons systématiquement depuis le milieu des années 1970 la sélection du Club des directeurs artistiques. Cela représente environ trois cents objets par an : annonces de presse, films, affiches, mais aussi packaging, objet ou édition publicitaires, etc. Ce sont des objets qui ont été proposés par les agences à des jurys professionnels. C'est donc un choix représentatif des valeurs de cette profession, de ce qu'elle considère comme digne d'être conservé.
Nous avons également d'autres critères de sélection pour nos collections. Tout d'abord, nous recherchons tout ce qui est représentatif de la création contemporaine en perspective avec le passé. Ainsi, nous faisons des sagas de marques, anciennes ou nouvelles, comme Michelin, Kookai ou Benetton, qui donnent une perspective temporelle. Nous prenons également ce qui est représentatif des personnalités du domaine : grands photographes, graphistes, réalisateurs, artistes… Nous nous intéressons à des campagnes qui ne sont pas sélectionnées par les jurys de professionnels, les grandes causes, les intérêts collectifs. Nous avons ainsi la campagne de Handicap international qui a fait faire des films par de grands cinéastes du monde entier, et qui a été peu diffusée. Nous récoltons tout ce qui a l'air d'être nouveau et que l'on peut remettre en perspective. Par exemple, le travail fait par les publicitaires de Poulain autour du chiffre 1848, qui est l'année de création de la marque, renvoie à l'histoire du patrimoine de l'entreprise. Très souvent, on s'aperçoit que les campagnes de publicité font du recyclage du passé avec des moments de rupture et de continuité. L'ancrage dans l'histoire est très important pour les entreprises, il est le témoignage d'un contrat ancien passé avec le consommateur, il assure une certaine traçabilité des produits.
Mais nous prenons aussi, bien sûr, tout ce qui est vraiment nouveau en France : par exemple, les publicités sur les taxis, les nouveaux supports comme les guéridons de café… Le hors-média progresse très vite ; on fait une collection systématique de packaging depuis une dizaine d'années et nous avons environ deux mille objets ; mais malheureusement, vu les tarifs atteints désormais par ces objets sur le marché, nous sommes dans l'impossibilité financière de reconstituer des collections anciennes. Enfin, nous récoltons tout ce qui relève du phénomène sociologique, par exemple ce qui fait scandale à un moment donné comme le porno chic aujourd'hui. Notre objectif est donc d'avoir un échantillonnage représentatif de ce qui s'est fait en matière de publicité dans une année.
Cette récolte se limite-t-elle au seul support publicitaire ?
Non. Pour les produits grand public, nous sollicitons par exemple les industriels pour avoir les fiches techniques des campagnes. Parfois, nous obtenons des dossiers très complets, avec brief, plaquette publicitaire, campagne de presse, objet promotionnel…
Vos collections audiovisuelles sont-elles aussi riches que celle des affiches ?
Côté films, nous avons reçu le dépôt de la Régie française de publicité (RFP) à sa dissolution, ce qui fait que nous avons plusieurs milliers de films publicitaires entre 1970 et 1985. Pour la radio, nous sommes moins bien équipés. Au total, nous avons un fonds d'affiches à peu près cohérent pour tout le xxe siècle, et un fonds films important mais pour l'essentiel non traité.
Tous ces documents sont-ils accessibles à la consultation ?
Non, hélas, la plus grande partie de nos collections n'est pas encore traitée et est inaccessible. Nous refaisons actuellement un catalogage complet de nos collections. Une partie des documents est accessible à la médiathèque et permet de faire des recherches iconographiques. La médiathèque est accessible à tous les visiteurs, elle leur permet aussi de faire des recherches complémentaires après une visite d'exposition. Une autre partie est disponible au centre de documentation qui détient des documents, des ouvrages, des dossiers d'artistes, d'agences, de produits, de thèmes (comme l'enfant et la publicité, le médiaplanning, le sponsoring…). Il est ouvert aux étudiants et chercheurs, sur rendez-vous ou le jeudi après-midi.
Musée de la Publicité :
107, rue de Rivoli 75001 Paris
Tél. : (33 - 1) 44 55 57 50 Fax : (33 - 1) 44 55 57 84
www.ucad.fr/musee_publicite.html
Le musée est ouvert du mardi au vendredi de 11h à 18h, le samedi et le dimanche de 10h à 18h