10 - Peopolisation et politique
Eric Darras
La coproduction des grands hommes. Remarques sur les métamorphoses du regard politique
Le Temps des médias n°10, printemps 2008, p.82-101Les sociologues posent et se posent des questions de sociologie et non des questions d’actualité. Dès lors, il faut prendre garde non seulement au questionnement mais encore à la démarche et à l’emploi des mots comme du temps de la recherche en sciences sociales. La médiatisation des espaces privés des hommes politiques n’a que l’apparence de la nouveauté et s’explique d’abord par la réussite des stratégies de communication des principaux leaders politiques. La relation d’associés-rivaux entre journalistes et hommes politiques n’a pas été fondamentalement remise en cause même si tel l’arroseur arrosé, les espaces privés des principaux leaders politiques sont désormais mobilisés contre leur gré au profit d’une refonte en cours de l’idéologie professionnelle de l’objectivité journalistique qui concilie les contraintes anciennes et nouvelles du métier. La redéfinition de la valeur médiatique d’une information et au-delà de l’excellence journalistique s’opère sous l’effet de l’affinement des stratégies des sources politiques et des indicateurs d’audience mais encore du fait du déplacement des frontières du champ de l’information (notamment avec l’Internet) qui accélère le renouvellement des nouvelles. L’hypothèse de la toute puissance politique des médias reste invérifiée et sans doute indémontrable mais elle constitue bel et bien “une illusion bien fondée” selon l’expression de Durkheim, qui justifie certaines candidatures au détriment d’autres prétendants. En interne, au moment crucial de la candidature à la candidature, les sondeurs et les conseillers en communication assurent auprès des journalistes et des adhérents la conversion du capital politique de certains candidats en candidats « populaires » ou « médiatiques » (et non l’inverse comme le présente le sens commun) pour ainsi mieux assurer leur nomination.
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