Comptes rendus
Anne Claude Ambroise-Rendu
L’ "autre information" dans L’Humanité : le crime, la catastrophe, le sensationnel, 1904-1914
Les faits divers de L’Humanité - entendons la manière dont sont racontés accidents, crimes et suicides qui émaillent la vie de la collectivité - contredisent assez nettement tout ceux qui, avec Pierre Bourdieu, tiennent ce genre journalistique pour un pur divertissement faisant " le vide politique " et réduisant " la vie du monde à l’anecdote et au ragot " .
L’anecdote certes règne dans les colonnes du quotidien de Jaurès consacrées au crime et à la catastrophe faisant de lui le proche parent du reste de la presse grande et petite. Mais L’Humanité marque aussi sa différence en faisant de ses chroniques de faits divers de véritables tribunes politiques et sociales. Le fait divers y apparaît ainsi comme un moyen parmi d’autres - et peut être un moyen particulièrement efficace - d’incarner et de personnifier la doctrine via des événements qui ont toutes les apparences de l’insignifiant. En donnant un corps aux conflits qui traversent la société, les faits divers de L’Humanité font jour après jour pour leurs lecteurs la démonstration que la justice est une justice de classe, la police une police de classe, les rapports sociaux des rapports de classe.