18 - Histoire de l’Internet, l’Internet dans l’histoire
Sébastien DENIS
L’allégorie politique et ses limites. Sur quelques adaptations cinématographiques et musicales d’Animal Farm (George Orwell, 1945)
Le Temps des médias n°18, Printemps 2012, p. 198-212.
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D’innombrables livres ont été adaptés au cinéma ou dans d’autres médias sans qu’on s’interroge sur leur idéologie ; mais le cas d’Animal Farm de George Orwell (1945), tout comme celui de 1984 (1948) du reste, est différent puisque le texte initial est luimême chargé d’idéologie, et engage donc le spectateur dans un objet politiquement orienté. Dans Animal Farm, l’auteur propose de manière assez claire une allégorie négative du système totalitaire soviétique, là où 1984 laisse ouverte l’interprétation du contexte – tous les totalitarismes sont envisageables derrière Big Brother. Animal Farm étant une fable (donc un texte parmi les plus polysémiques qui soient puisque sujet à une lecture potentiellement différente en fonction de chaque lecteur), ses adaptations ont des formes narratives et esthétiques très différentes, ce qui en fait un cas intéressant d’intermédialité. Ce sont pas moins de trois techniques différentes (animation, musique rock, prise de vues réelles) qui ont été employées pour rendre compte de la fable, avec des spécificités mais un même traitement non réaliste de l’imaginaire orwellien. Si l’adaptation s’avère nécessaire au cinéma ou en musique, dans le cas d’un texte politique comme Animal Farm ces aménagements amènent les adaptateurs à subvertir de manière parfois fondamentale le projet littéraire et politique de George Orwell, voire, comme nous le verrons, à s’inspirer de l’œuvre plus qu’à l’adapter au sens propre. Nous montrerons, à travers trois exemples (le film de 1954, le disque de 1977 et le téléfilm de 1999) qu’aucune des adaptations n’est réellement fidèle au livre.