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Brigitte Rollet, Télévision et homosexualité. Dix ans de fictions françaises. 1995-2005 (L’Harmattan, 2007). Recension par André Rauch.

Dans ce livre que publient les éditions L’Harmattan, Brigitte Rollet entreprend une analyse culturelle de la télévision hertzienne, avec l’objectif d’étudier les mises en scène télévisuelles des hommes et des femmes homosexuels, et plus généralement de l’homosexualité. Son analyse se concentre sur les fictions des dix dernières années dont elle évalue les évolutions. Elle porte principalement sur les recettes narratives et leurs stratégies idéologiques implicites ou explicites. La visibilité télévisuelle de l’homosexualité au milieu des années 1990 se renforce à l’automne 1998, au moment de l‘importante couverture médiatique du Pacs : apparaissent sur les écrans des « témoins », c’est-à-dire des personnes des deux sexes, ni connues ni médiatisées, qui ne sont pas des objets de discours médicaux, psychiatriques ou littéraires, mais sont devenus des sujets, auteurs de leur histoire.

Les questions que Brigitte Rollet se pose sont diverses : de quelle nature sont ces images ? « Quelles forment prennent-elles et quelles sont leurs possibles significations ? ». Les chaînes françaises ont-elles maintenu cette présence des homosexuel-le-s dans leurs émissions ? Comment, pour qui et pourquoi, une fois atténué l’engouement étrange, éventuellement voyeur, pour un public « différent » toutes les chaînes ont-elles diffusé des débats, des documentaires et des reportages sur le sujet ? Sur ces sujets ?

Selon Brigitte Rollet, « C’est en 1995 que Canal Plus lance sa première nuit Gay, et que la notion de « minorités socialement visibles » émerge chez les scénaristes de télévision ». 1995 marque la première année où la Gay Pride fait la Une de la presse écrite, radiodiffusée et audiovisuelle. C’est aussi l’année de Gazon maudit, le film de Josiane Balasko, qui enregistre 5 millions de spectateurs en France. À la télévision, La Marche du siècle (France 3) diffusée le 18 mai 2000, dont le thème est « Amour, fidélité, séduction », met à l’écran un couple de femmes. Les chaînes privées invitent des couples homosexuels lorsqu’une émission traite de l’amour : TFI présente « J’ai tout quitté par amour » le 15 septembre 2000, puis dans le magazine « C’est quoi l’amour ? Aimer malgré les kilos », le 9 février 2001.

Sur les chaînes du service public, les magazines emboîtent le pas : Michel Field, dans Ce qui fait débat le 4 avril 2001 et deux mois plus tard (27 juin 2001) pour « Le Corps dans tous ses états ». Jean-Luc Delarue dans Ça se discute sur « Peut-on accepter l’adultère au nom de l’amour ? », etc.

Il émerge de cette étude que « l’évolution quantitative ne se traduit pas par un regard et un discours alternatifs sur les homosexuels ». Tout se passe comme si les gays et les lesbiennes du PAF – hors Arte et Canal Plus – ne pouvaient s’y trouver qu’en partageant les « problèmes du groupe dominant ». Sans que, selon l’auteure de ce livre érudit et original, « la nature particulière du couple homosexuel soit nécessairement envisagée : il s’agit donc là d’une vision hétéronormée et hétérocentrée qui ne peut envisager la différence hors du schéma hétérosexuel dominant ». C’est bien là, semble-t-il, la clef de ce livre. Elle est de taille.

André Rauch

Recension publiée dans Le Temps des médias, n° 11, hiver 2008-2009, p. 271.

Citer cet article : http://histoiredesmedias.com/Brigitte-Rollet-Television-et.html

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