10 - Peopolisation et politique
Laurent Martin
Actualités
Le Temps des médias n°10, printemps 2008, p.227-228
Projet : Le dictionnaire de la presse en Europe au xxe siècle
J'ignore si la presse écrite, du moins dans sa version payante et papier, a un avenir dans nos sociétés occidentales développées mais elle a certainement un passé, encore inégalement connu. En France, si des monographies viennent tous les ans enrichir notre connaissance de ce que furent les journaux et journalistes des décennies et siècles écoulés, les travaux de synthèse manquent ou ont vieilli. La dernière grande entreprise collective date des années 1970 et L'Histoire générale de la presse française n'a pas été remplacée. L'étudiant, l'enseignant, le chercheur, le curieux qui s'intéressent à la presse et à ceux qui la firent ne disposent pas aujourd'hui d'un outil de travail commode ni d'un instrument de référence fiable qui leur permettent des gains de temps et de savoir.
Ce qui est insuffisance concernant le domaine français est ignorance concernant les presses des autres pays d'Europe. Que savons-nous aujourd'hui des grands journaux qui firent l'Allemagne ? Des journalistes anglais ? Les faits-divers et le feuilleton, si importants dans la presse populaire française au tournant des xixe et xxe siècles ont-ils occupé une place analogue dans la presse italienne ou espagnole ? À l'heure de la constitution de conglomérats internationaux et de la difficile construction d'une Europe non plus seulement industrielle ou commerciale mais politique et culturelle, il paraît utile de mieux connaître l'une des grandes forces qui ont façonné l'histoire du continent, l'un de ses traits culturels parmi les plus originaux et les plus durables : la presse.
J'avais lancé il y a quelques années le projet d'un dictionnaire de la presse en France aux xixe et xxe siècles qui n'avait pas trouvé d'éditeur. Je l'ai relancé l'année dernière en m'assurant au préalable du soutien de Daniel Rondeau, directeur de la collection Bouquins (Robert Laffont). Par rapport au projet initial, celui que je coordonne aujourd'hui dans le cadre du Centre d'histoire de Sciences Po enregistre à la fois une contraction dans le temps, puisqu'il ne concerne plus « que » le xxe siècle, et une dilatation dans l'espace, puisqu'il embrasse tout le continent européen. Une quarantaine de spécialistes ont accepté de rédiger les notices françaises ; un nombre au moins équivalent de collaborateurs doit être trouvé dans les divers pays européens [1]. Ce dictionnaire proposera trois types d'entrées, auxquelles correspondront trois parties distinctes : biographiques (sur les gens de presse), institutionnelles (sur les journaux, groupes, associations etc.), notionnelles (sur des thèmes et problèmes de la presse). Rangées par ordre alphabétique, les notices seront de taille variable, d'un simple renvoi à une voire deux pages. Le total devrait avoisiner les 1 300 notices pour environ 4,5 millions de signes en un volume.
L'élaboration d'un tel dictionnaire pose des problèmes théoriques et pratiques considérables, dans lesquels je ne puis entrer ici. Sa publication, prévue en 2010, s'annonce d'ores et déjà comme l'un des grands événements éditoriaux dans le domaine des études médiatiques en général, de l'histoire de la presse en particulier.
[1] Je cherche encore des rédacteurs et coordonnateurs pour l'Autriche, la Hongrie, l'ex-Tchécoslovaquie, l'Ukraine, la Bélarussie, l'Islande.