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Numéro 15 - Justice(s)

La curiosité et les attentes des citoyens français ou étrangers à l’égard de leurs institutions judiciaires semblent s’être profondément renouvelées au cours des derniers siècles, comme stimulées par le développement de l’activité médiatique, lui-même indissociable d’une demande croissante de transparence à l’égard des affaires publiques. L’émergence des médias de masse au XIXe siècle et la diversification des supports au XXe siècle apportent, certes, l’explication la plus évidente de l’intérêt séculaire des citoyens pour la chose judiciaire. Mais il faut aussi compter avec le recours croissant de ces mêmes citoyens à une justice d’Etat qui, depuis le XVIIIe siècle, se fait progressivement plus accessible et plus lisible. Les phénomènes décisifs que l’histoire met à jour ont stimulé la médiation entre les individus et leur justice, favorisant ainsi les mises en scène et en images de l’institution. Analyser en historien(ne) les rapports souvent complexes mais toujours intéressants que la justice entretient avec les médias - et réciproquement -, c’est donc interroger l’une des modalités de fonctionnement des sociétés, qu’elles soient d’Ancien régime ou contemporaine. Si les conflits de représentations et de pratiques qui caractérisent les relations entre les médias et la justice persistent aussi durablement, c’est bien qu’il existe dans cette articulation entre le judiciaire et le quatrième pouvoir un enjeu politique et citoyen de taille.

Dossier coordonné par Anne-Claude Ambroise-Rendu, Claire Sécail et Barbara Villez.
n°15, Automne 2010.


Sommaire

Dossier : Justice(s)

  • Anne-Claude Ambroise-Rendu, Claire Sécail et Barbara Villez - Présentation

  • Aude Cassayre - La Justice a la parole. Publicité judiciaire et opinion publique en Grèce ancienne

    Dans la Grèce antique, le monde judiciaire utilise la publicité, la justice étant un acte public porté à la connaissance de tous. Mais la médiatiser va au-delà de la publicité et implique l’existence d’une opinion publique. Cela fut le cas lors d’un moment paroxystique à Athènes quand l’opinion publique dénonça un système judiciaire corrompu. La réponse, tant à Athènes qu’ailleurs, fut de médiatiser la pratique judiciaire en recourant à une communication publique sans précédent. Néanmoins si la mise en scène de la justice a servi ses intérêts, elle resta (...)

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  • Benoît Garnot - Voltaire et la justice d’Ancien Régime : la médiatisation d’une imposture intellectuelle

    Voltaire passe aujourd’hui pour un héros du progrès judiciaire. Il doit cette réputation à des affaires exceptionnelles, rencontrées au soir de sa vie, où il a su déployer avec succès son génie de la communication. À cette occasion, il a présenté un tableau inexact de la justice pénale de son temps. La postérité a, le plus souvent, recopié et répété aveuglément les critiques du philosophe sans en vérifier la véracité, faisant ainsi passer l’arbre pour la forêt et nourrissant une légende noire encore trop vivace.

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  • Hélène Duccini - Les images de la justice dans l’estampe, de 1750 à 1789

    Au XVIIIe siècle, l’estampe est de plus en plus utilisée comme support de propagande dans les grands débats qui agitent l’opinion. Ainsi, dans les conflits qui opposent les gens des parlements aux réformes que tentent Louis XV, puis Louis XVI, la Justice est mise en scène. Sous une forme allégorique, le parlement est représenté sous la forme de la « Vertu », dont le roi se trouve, par là même, dépossédé. Les procès à sensation sont aussi l’occasion d’une mise en images. La vie de Desrues et les phases de son procès sont ainsi illustrées, pour justifier les pratiques du parlement, tant dans ses procédures que dans ses (...)

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  • Frédéric Chauvaud - Petites affaires et procès pittoresques. Les tribunaliers et « la correctionnelle » de 1880 à 1940

    De 1880 à 1980, les « tribunaliers », c’est-à-dire les chroniqueurs judiciaires célèbres, délaissent parfois les comptes-rendus des cours d’assises. Ils s’intéressent alors à des juridictions plus ordinaires, notamment les tribunaux correctionnels. Ils s’attachent aux affaires inédites ou pitoyables. Leurs articles relèvent de la veine comique, voire de la « gauloiserie ». Il s’agit de distraire et d’amuser. Toutefois, les journalistes dénoncent aussi, par l’intermédiaire de leurs chroniques, le fonctionnement de la justice pénale. En effet, les prévenus sont majoritairement des misérables : trop pauvres, trop vieux, trop jeunes. Le rire a pour cible des situations et des personnages, drôles malgré eux. Les « (...)

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  • Anne-Claude Ambroise-Rendu - La dangerosité du criminel sexuel sur enfant, une construction médiatique ?

    Le schéma de reconnaissance et d’évaluation qui gouverne aujourd’hui les représentations du pédophile a été élaboré, abandonné, repris, retravaillé par les médias et a constitué les doxa successives au sein duquel le crime sexuel a été appréhendé. La figure du pédophile, ce monstre contemporain dangereux récidiviste, est le résultat d’une construction qui doit beaucoup au travail des médias. Concept psychiatrique forgé à la toute fin du XIXe siècle par Richard Von Kraft Ebbing, la pédophilie, longtemps ignorée de la pratique expertale, fait son entrée dans l’espace public au cours des années 1970, via la posture du militantisme. Mais, dès le milieu des années 1980 la physionomie de cet amateur des corps juvéniles (...)

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  • Jean-Marie Charon - L’impossible secret de l’instruction

    A la rencontre du judiciaire et des médias il y a la question du secret. Enquêteurs et magistrats ont besoin d’un temps de secret pour instruire leurs dossiers. Les questions dont s’occupe la justice ne peuvent rester à l’écart de l’information délivrée au public. Le cadre juridique qui prétend réguler cette contradiction est ambigu. Jusqu’à quel point les acteurs du système judiciaire, comme les différentes spécialités journalistiques, peuvent-ils apprivoiser cette difficulté ?

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  • Denis Salas - Opinion publique et justice pénale. Une rencontre impossible ?

    La visibilité des institutions pénales doit être critiquée pour ses excès quand elle est mue par une utopie de la sécurité. Elle insécurise le geste professionnel et n’engendre que le populisme. Mais elle est aussi le signe de leur appartenance à la démocratie. A ce titre, nous devons en relever les défis et nous outiller pour y faire face. La présence des prisons dans l’espace public est significative de ce point de vue. Entre indignations éphémères et quête d’un vrai contrôle, cette présence ambiguë traduit la difficulté d’allier justice pénale et démocratie libérale dans une société (...)

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  • Guillaume Mazeau - Le procès révolutionnaire : naissance d’une justicemédiatique (Paris, 1789-1799)

    Dès 1789, les différents projets révolutionnaires, nourris par plusieurs décennies de réformes et d’échanges intellectuels, convergent vers un objectif commun : inventer une société plus juste. Dès lors, l’institution judiciaire devient l’un des principaux instruments de la démocratisation et de la régénération sociale, à la fois grâce à la codification et à la réforme de l’institution. Désormais ouverts aux citoyens, les prétoires deviennent des espaces publics de critique, de confrontation des opinions et d’invention du débat démocratique. Les grands procès sont vécus comme des événements qui concernent non seulement les spécialistes du droit mais la nation tout entière. En raison des rapports de plus en plus (...)

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  • Anne-Emmanuelle Demartini - L’affaire Nozière entre instruction judiciaire et médiatisation

    Cet article étudie la manière dont la presse s’empare de l’affaire Violette Nozière, du nom de la jeune parricide qui a défrayé la chronique en 1933, et les rapports qui s’établissent alors entre presse et justice. Tout en soulignant la divergence des logiques entre instruction judiciaire et enquête médiatique, il met l’accent sur une convergence entre ces deux institutions démocratiques et il s’interroge sur les conséquences de la médiatisation sur le travail du juge et finalement sur le verdict.

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  • Nicolas Werth - La mise en scène pédagogique des grands procès staliniens

    Quarante ans après la parution de l’ouvrage d’Annie Kriegel sur les grands procès dans les systèmes communistes, qu’a-t-on appris de nouveau sur les fonctions politico-médiatiques de ces parodies de justice ? On saisit mieux la continuité entre la pratique léniniste et la pratique stalinienne en matière de « pédagogie ». On peut analyser en détail l’implication directe de Staline lui-même dans la mise en scène du grand procès. Mais on a aussi découvert que parallèlement aux trois « grands » procès de Moscou, se sont tenus, sur ordre de Staline, des centaines d’autres procès de petits responsables politiques communistes. Cet article analyse les fonctions de ces « petits procès provinciaux », leur mise en scène, (...)

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  • Joël Hubrecht - Tribunalinternational.org : la justice en ligne tient-elle ses promesses ?

    Le recours aux technologies audiovisuelles et aux canaux de diffusion les plus modernes de leur époque, s’est révélé être un élément déterminant de la justice internationale. Le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, qui diffuse ses procès sur internet, a imposé des standards que, malgré certaines limites, la Cour pénale internationale reprend tout en investissant de nouveaux services du net. Le Tribunal mixte du Sierra Leone ouvre d’autres pistes innovantes dans le traitement de l’image.

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  • Eric Wenzel - La question… en question. La torture judiciaire comme enjeu "médiatique" à la veille de la Révolution

    Les tortures judiciaires de la tristement célèbre « question » faisaient partie intégrante de la procédure pénale de l’Ancien Régime, laquelle, alors même que ses pratiques ont déjà subi l’influence des philosophes et légistes promouvant une réforme de la justice, est l’objet à la veille de la Révolution d’une véritable ’sur-médiatisation’ – en attestent placards, textes de témoignages, mémoires judiciaires, comptes-rendus de procès, etc. La question devient un sujet d’importance pour l’opinion publique. Pour certains, les criminels que l’on torture sont les victimes de la violence judiciaire ; quelques magistrats tentent dans le même temps de que cette violence est légitime et administrée sans cruauté à des (...)

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  • Jean-Yves Mollier - Dreyfus au bagne ou comment briser les prisonniers politiques ?

    La condamnation d’Alfred Dreyfus à la déportation dans une enceinte fortifiée située hors du territoire continental, peine qu’il effectua à l’île du Diable, au pays de la « guillotine sèche », la Guyane, marqua l’opinion publique internationale à la fin du XIXe siècle. Elle devint même le symbole de l’iniquité d’une raison d’Etat frappant à l’aveugle une victime innocente. Au-delà du cas personnel de celui qui devint le héros involontaire de « l’Affaire », c’est toute l’histoire de la déportation politique, des lendemains de la Révolution française à nos jours, que l’on entend retracer ici. Qu’il s’agisse en effet des victimes de la répression politique qui s’abattit sur les républicains enfermés dans les casemates (...)

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  • Barbara Villez - Une erreur judiciaire irréparable. Le cas du Dr Sam Sheppard

    En 1954 aux Etats-Unis, le Dr Sam Sheppard est condamné pour le meurtre de sa femme alors qu’il insiste d’avoir vu un homme s’échapper de sa maison la nuit du crime. Quelques années plus tard, son histoire fait l’objet de deux séries télévisuelles et un film. Comme dans le droit anglo-saxon, où l’on part d’une affaire particulière pour en tirer une règle, les fictions se sont inspirées de ce fait divers pour provoquer une réflexion sur des questions plus générales : le mythe de l’innocent victime de deux puissantes machines : la judiciaires et la (...)

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Le Point sur...

  • Claire Sécail - De la loi du 6 décembre 1954 au rapport Linden (2005) : vers le retour des caméras dans le prétoire ?

    La loi du 6 décembre 1954, visant à interdire la radiodiffusion, la télévision et la photographie des débats judiciaires, traduisait le souci du Législateur de restaurer l’autorité de l’institution et d’œuvrer à l’entreprise de moralisation des mœurs de la société française. Mais le voile pudique consenti par les professionnels des médias s’est mué en véritable entrave à mesure que l’image télévisuelle devenait hégémonique dans l’espace public. Comment concilier la dignité de la justice et le besoin de transparence attendu dans une société démocratique ? La loi a donc connu quelques assouplissements dans les années 1980, sans pour autant qu’une réflexion collective ne soit menée. En 2005, un rapport de la commission (...)

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Archives

Chronique Passé-Présent

  • Christian Delporte - La justice professionnelle en 1945 : le journaliste face à la commission d’épuration

    Après une tentative avortée à l’été 1944, l’épuration professionnelle des journalistes se met véritablement en place au début de 1945 : une ordonnance du 2 mars transforme, en effet, la commission de la carte d’identité des journalistes professionnels (créée en 1936) en commission d’épuration, et rend la carte de journaliste obligatoire pour exercer. La commission ordinaire est présidée par Calon, conseiller à la Cour de cassation, assisté de six journalistes et de six directeurs. Le candidat peut faire appel de la décision devant la commission supérieure qui, assez systématiquement, revoit la sanction à la baisse. Le mandat de la commission n’est que de huit mois ; elle obtient un délai supplémentaire : (...)

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  • Claire Sécail - Chroniques de verdicts, par Paul Lefèvre (Antenne 2)

    Quels sentiments traversent l’accusé au moment de l’annonce de son verdict ? De quelle façon réagissent les proches et les parties civiles ? Quel est au fond le sens de la peine prononcée ? Le même questionnement agite le chroniqueur judiciaire à chaque épilogue d’un procès. Chargé de mettre un point final aux quelques jours de débats parfois intenses qui se sont déroulés, il s’applique à composer sa toute dernière chronique en y mêlant l’étude des sensibilités et la réflexion - sociologique et historique plus que philosophique – sur le châtiment. L’abolition de la peine de mort a-t-elle contribué à atténuer la gravité qui touchait jusqu’alors cette chronique un peu particulière ? On serait tenté de le croire à (...)

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